Modification du PLUi : la contribution de Thierry Roos et de Fabienne Keller

Modification du PLUi : la contribution de Thierry Roos et de Fabienne Keller

Dans l’enquête publique de modification du PLUi qui a été conduite cet été par l’Eurométropole, il y a eu beaucoup de contributions et d’expressions. Nous publions celle rédigée par Fabienne Keller et Thierry Roos. 

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Dans l’enquête publique de modification du PLUi qui a été conduite cet été par l’Eurométropole, il y a eu beaucoup de contributions et d’expressions. Nous publions celle rédigée par Fabienne Keller et Thierry Roos. 

Nous vous invitons à la lire entièrement. Nous saluons ici le travail, très technique certes, mais particulièrement fouillé et argumenté de leur contribution. Nous retiendrons la critique sur la méthode : 

Nous nous étonnons tout d’abord de l’ouverture d’une procédure de révision d’une telle ampleur, moins de six mois après l’adoption du PLU intercommunal en Conseil de l’Eurométropole […] Nous nous questionnons sur l’objectif poursuivi par ces modifications substantielles, qui contournent certains engagements pris sur la destination des sols en décembre dernier.

Voici la contribution des deux élus : 

  • Sur les modalités de l’enquête publique
  • a) L’ampleur des révisions proposées au regard du PLUi d’origine

Nous nous étonnons tout d’abord de l’ouverture d’une procédure de révision d’une telle ampleur, moins de six mois après l’adoption du PLU intercommunal en Conseil de l’Eurométropole. En effet, le PLUi tel qu’adopté est le fruit d’une réflexion collective des autorités de l’Eurométropole, de ses services, mais aussi des habitants des 28 communes, qui se sont exprimés par deux fois à l’automne 2015 et à l’automne 2016.

Aujourd’hui, le Président de l’Eurométropole ouvre une enquête publique portant sur pas moins de 74 modifications des documents d’urbanisme, affectant 18 des 28 communes. Si certaines modifications proposées aujourd’hui sont des modifications qui peuvent être qualifiées de « cosmétiques » (telles que les corrections d’erreurs matérielles), d’autres modifications proposées sont particulièrement substantielles et contreviennent à l’esprit du PLUi adopté en décembre.

Nous nous questionnons sur l’objectif poursuivi par ces modifications substantielles, qui contournent certains engagements pris sur la destination des sols en décembre dernier.

  • b) La période et la publicité de l’enquête publique

Nous tenons à souligner l’opacité qui entoure la procédure d’enquête publique. En effet, cette procédure est ouverte en pleins mois d’été, au moment où les habitants de l’Eurométropole sont en vacances et peu disponibles pour réfléchir aux enjeux urbanistiques du territoire.

Par ailleurs, nous avons constaté que la publicité de l’avis d’enquête publique par voie numérique dématérialisée s’est faite au jour même de l’ouverture de l’enquête, le 26 juin dernier, comme le montre la capture d’écran du site de l’Eurométropole de Strasbourg, annexée à la contribution.

Ceci contrevient aux dispositions de l’article L. 123-10 du code de l’environnement, qui dispose : « Quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et durant celle-ci, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête informe le public. L’information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d’affichage sur le ou les lieux concernés par l’enquête, ainsi que, selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. »

Par ailleurs, de nombreux points de modification parmi les 74 proposés font référence à des études effectuées par des cabinets d’urbanisme, qui justifient le changement de destination des sols, les restrictions d’usage et autres normes d’urbanisme qui s’y appliquent. Néanmoins, ces études ne sont pas annexées au dossier d’enquête publique et demeurent introuvables après les recherches que nous avons réalisées. Il nous semble pourtant nécessaire, dans une perspective de bonne information du public participant à l’enquête, que les documents justifiant les changements proposés puissent être tenus publics en toute transparence.

Pour conclure, nous nous questionnons sur les modalités de l’enquête publique : la période choisie pour mener cette enquête, et les modalités de sa publicité en ligne sur le site de l’Eurométropole, nous semblent peu appropriées aux modifications nombreuses et de grande ampleur que propose l’Eurométropole. Nous questionnons les motivations qui ont conduit à de tels choix, alors que les habitants de l’Eurométropole se sont exprimés sur le PLUi adopté il y a moins d’un an. Nous espérons que l’objet de l’enquête publique n’est pas de contourner l’opinion publique en soumettant des modifications peu populaires à enquête à un moment où l’attention du public est retombée.

  • Sur le « projet d’urbanisation papeterie » (point 18.6)

Ce point constitue une modification majeure pour le quartier de La Robertsau, dans la commune de Strasbourg. En effet, ce quartier est porteur d’une identité historique que les projets d’urbanisation ne peuvent ignorer. Traditionnellement quartier des maraîchers, la Robertsau était devenue au fil des décennies passées un espace entre ville et campagne, à la jonction entre Strasbourg et la forêt aux alentours. Le projet de l’Eurométropole implanterait un ensemble d’habitations organisé en tours de près de 30 mètres, au cœur du quartier. En outre, le site retenu pour l’implantation de ce projet fût historiquement un site d’activités polluantes ayant affecté durablement la qualité des sols et leur compatibilité avec un usage d’habitat.

  • a) Le changement de destination de l’occupation du sol, les restrictions d’usage, l’aléa inondation

Alors que le règlement graphique du PLUi adopté le 16 décembre 2016 maintenait la zone de la papeterie (entre le canal du Mühlwasser et le chemin de l’Anguille), en zone UXb1 dédiée à des activités industrielles, il s’agit aujourd’hui de la requalifier en zone urbaine mixte UD2 avec une hauteur maximale 28 mètres soit un rez-de-chaussée et 9 étages. Ce changement ne peut être opéré qu’avec l’application de restrictions d’usage à la zone.

Se basant sur une étude du cabinet Archimed Environnement –dont le contenu n’est pas public-, le projet propose d’appliquer l’indice de restriction d’usage n°44 qui correspond, comme le décrit la notice de présentation :

  • à l’interdiction de la mise en place d’établissement sensible,
  • à l’obligation de recouvrir les sols en place pour les isoler des usagers,
  •  à l’interdiction d’utiliser l’eau de la nappe phréatique sauf pour un usage géothermique,
  •  à l’obligation de réaliser des canalisations d’eau potable isolées des sols pollués,
  • à l’interdiction de la culture de légumes, fruits et baies sauf dans des bacs hors sol ou dans des zones aménagées, et l’interdiction de la plantation d’arbres fruitiers hormis dans des fosses spécifiques.

Ces restrictions d’usage démontrent l’importance de la pollution du site pourtant retenu pour ce projet d’habitation.

Par ailleurs, l’aléa inondation présenté confirme le risque d’inondation par remontée de nappe phréatique. Si le risque d’inondation est pris en compte dans les mesures constructives des bâtiments envisagés, la note de présentation ne précise rien quant au risque de pollution relatif aux remontées des eaux polluées de la nappe phréatique identifiées au titre des indices de restriction d’usage.

La combinaison de l’aléa inondation et des restrictions d’usage nous semblent de nature à rendre le site impropre à l’habitation. Pourtant, le projet immobilier des tours Lana est envisagé par l’Eurométropole.

Dès lors, il nous semble important de replacer cette modification du PLUi dans son contexte. La papeterie Lana de La Robertsau a employé pendant plusieurs décennies près de 500 personnes. En faillite au début des années 2000, une partie de ses terrains désaffectés sont rachetés en 2005 par un promoteur immobilier. L’opération permettra de sauver une cinquantaine d’emplois.

Or, alors que les habitants de La Robertsau s’opposent au projet des « tours Lana » depuis plusieurs mois, l’exécutif municipal a déclaré lors d’une réunion publique que Strasbourg « devait bien » à M. Rinaldi de mettre en œuvre ce projet de transformation, comme un juste retour sur un investissement pour ce promoteur ayant fait l’acquisition d’un terrain industriel.

Aussi, mettant en perspective cet élément avec la pollution manifeste des sols, nous nous demandons quelle politique a pu présider au choix de l’indice 44 de restrictions d’usage : le projet immobilier s’adapte-t-il à l’indice, ou bien l’indice au projet immobilier ?

Cette question revêt une importance capitale pour les personnes qui pourraient être amenées à habiter des logements sur un terrain pollué.

  • b) La hauteur maximale des bâtiments

Le projet des Tours Lana inquiète les habitants de La Robertsau depuis plusieurs mois. A l’origine, il était présenté avec l’implantation de tours de près de 50 mètres de hauteur. A la suite de plusieurs contestations et réunions publiques, le projet est réduit à 28 mètres de hauteur maximale hors tout (HT), ce que propose la présente modification.

Ce changement dans le projet initial a été présenté comme une prise en considération de l’opinion des habitants. Néanmoins, il est intéressant de noter que la nouvelle proposition architecturale, répondant à ces conditions nouvelles, a été présentée en moins d’un mois. Nous nous questionnons ainsi sur l’enchaînement de ces événements : le projet initial de 50 mètres de hauteur était-il véritablement envisagé, ou bien n’était-ce qu’un épouvantail destiné à modifier la perception du public sur le projet réel de tours de 28 mètres et le rendre plus acceptable ?

Cette question mérite d’autant plus d’être posée que le projet des tours Lana est présenté dans le dossier d’enquête publique comme une zone de jonction entre la Robertsau pavillonnaire et la Cité de l’Ill. Ce raisonnement est notamment développé au sujet des seuils de déclenchement des programmes de logements sociaux : les tours Lana sont référencées sous un SMS4 (Secteur de Mixité Sociale de 25% à partir de 6 logements construits), à l’équilibre entre la Cité de l’Ill et le reste de la Robertsau.

Or, en ce qui concerne la hauteur maximale, la zone urbaine de la Cité de l’Ill (UD2) est normée à 20 mètres hors tout.

Comment justifier ainsi que les tours Lana culminent à 28 mètres, si elles doivent remplir un rôle de tampon entre pavillons et Cité de l’Ill ?

Pour conclure, le projet des tours Lana nous semble peu compatible avec l’état des sols mais également avec le principe de cohérence urbanistique. Nous sommes curieux de connaître le détail des études à l’appui de la proposition de modification. Un tel site nous semble par ailleurs bien plus intéressant pour développer une zone d’activités tertiaire au cœur de La Robertsau, en ligne avec les principes urbanistiques en vigueur et le chômage important de la Cité de l’Ill. Ne créons pas une cité dortoir supplémentaire.

 

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