Journal l’Alsace : Quand Strasbourg faisait la fête au Fuchs am Buckel

Journal l’Alsace : Quand Strasbourg faisait la fête au Fuchs am Buckel

C’est un article  de Luc Marck du journal l’Alsace qui consacrait une série d’articles aux noms à part. Voici leur explication du nom Fuchs am Buckel.

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« À la Robertsau, les pêcheurs et les canotiers, la friture et les guinguettes, puis les discothèques et la fête à tout va. Puis, plus rien… si ce n’est une histoire qui peine à renaître.

Article à retrouver en ligne sur le site de l’Alsace ici.

Le « renard » qui a donné son nom au Fuchs am Buckel, lieu-dit fameux du quartier de la Robertsau, a bel et bien bien existé. Et pour en parler, le mieux placé est André… Fuchs. Ce professeur d’histoire à la retraite descend en effet en ligne directe de Georg Fuchs, pêcheur professionnel de Leutesheim, sur la rive droite du Rhin. Décrétant un beau jour du début XIXe siècle qu’il serait décidément plus commode de s’installer côté français, tout aussi poissonneux, pour aller vendre le fruit de son travail au marché de Strasbourg, ce dernier a joué un rôle déterminant dans l’histoire du site.

De fait, ce Fuchs-là ne se contentera pas de reproduire au bord de l’Ill les gestes ancestraux de la tradition familiale. « Comme il connaissait tous les pêcheurs qui s’arrêtaient chez lui, Georg a eu l’idée d’ouvrir la grande pièce de la maison pour en faire une auberge » , raconte André. Et pour être passant, à l’angle de la rivière et du Canal des Français, l’endroit l’est assurément : on y fait une pause le matin, avant d’aller vendre son poisson à la ville, et une autre le soir, en revenant vers les îles du Riedwald.

Voilà pour le « Fuchs ». Quant au « Buckel », André tient pour l’explication (il y en a d’autres) voulant que l’Ill, formant là une courbe très prononcée, les pêcheurs ont pris l’habitude, pour ne pas confondre avec un autre Fuchs – un homonyme qui avait ouvert un restaurant un peu en amont –, de se donner rendez-vous chez « le Fuchs am Buckel ». Une chose entraînant l’autre, l’installation s’étoffe avec étable et écurie, four à pain et hangar qui viennent compléter le décor des barques amarrées là, tandis qu’y sèchent nasses, éperviers et autres filets.

Constatant le succès du petit bistrot, un parent de Jean Fuchs, le fils de Georg, entreprend vers 1850 de construire, juste à côté de la petite auberge, le « Fuchs am Buckel », restaurant-guinguette de plein exercice. Bien vu : l’établissement capte aussitôt l’engouement grandissant des citadins pour le séjour idyllique qu’offre aux beaux jours, à l’orée de la forêt de la Robertsau, l’onde où évoluent bientôt les canotiers endimanchés. Un succès considérable si on en croit la taille de la terrasse et l’émulation suscitée. Au voisinage immédiat de la maison Fuchs s’ouvre, en effet, le restaurant Hummelsburg, devenu Illbourg après avoir un temps, note André Fuchs, « usurpé » le nom du lieu-dit, tandis que de l’autre côté de la route de la Wantzenau s’installe le Hechtelocker, qui deviendra ensuite le Château de la Forêt. Avec leurs fritures et autres matelotes, ce sont des hauts lieux de gastronomie et de réjouissances rythmées à l’occasion par les orchestres tziganes venus de la Krutenau. « Des heures de gloire, où on refusait du monde dans les salles et autres Gaartewirtschafte » , commente notre guide.

Deux guerres plus tard, l’évolution des mœurs éloigne progressivement le souvenir des flonflons et des familles en goguette, qui débarquaient chaque week-end du tram à l’arrêt Sainte-Anne, le plus proche du Fuchs am Buckel.

Tout un peuple de noctambules

Stop ou encore ? À partir des années 1960, une nouvelle vie, tout aussi trépidante que celle de la Belle Époque mais d’une tout autre nature, s’empare des lieux. C’est le temps du Chalet – une ancienne rôtisserie – autour duquel essaimeront le Ranch, devenu El Paso, l’Hacienda, relookée en Mékong, avant de se muer en Bambou, puis en Carib Night.

Le Fuchs am Buckel lui-même, de l’autre côté de la route de la Wantzenau n’échappe pas à la mode Saturday Night Fever , où vient s’agglutiner tout un peuple de noctambules dans une théorie de boîtes et de restaurants, de dancings et de clubs qui drainent jusqu’à ces confins septentrionaux de Strasbourg toute une jeunesse en quête de musique et de défoulement. Pendant quelque 50 ans, l’Helmercity, comme on l’appellera – du nom de « JC » Helmer, fondateur et grand ordonnateur des nuits robertsauviennes – reléguera presque les Fuchs dans les rangs de l’oubli. Presque. Car en 2010, avec la fermeture et le démantèlement du Chalet et de ses satellites, les méandres de l’Ill se refermeront sur cette page-là aussi. À la place, aujourd’hui, une opération immobilière en voie de finition clôt le chapitre festif du Fuchs am Buckel. Définitivement ?

Face à l’ex-carré des discothèques subsistent le restaurant historique, rebaptisé Cour des Saveurs, et celui de l’Illbourg. En attendant qu’un jour, peut-être, le Canal des Français soit remis en eau et réamorce pour ces lieux délaissés une vocation de sortie « nature », desservie – « un jour » , pareillement – par le tram des temps modernes ? On peut toujours rêver, semble dire André Fuchs. Ou, à défaut, méditer : le seul nouveau projet dont le quartier s’attend à voir la concrétisation prochaine est celui d’une pagode bouddhiste… »

 

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