Extension de la ligne E : la stratégie de Kaa !
Le Conseil de la Communauté Urbaine de Strasbourg a validé vendredi 15 février le principe de la prolongation de la ligne E à la Robertsau et de l’ouverture de la « concertation* » qui va avec.
A la clôture de l’atelier de projet sur les transports à la Robertsau, et sans consensus des participants il y a un an, la ville avait tranché pour un projet en trois points :
- prolongation de la ligne de tram E jusqu’à la place Mélanie,
- création de lignes de BHNS (Bus à Haut Niveau de Service) depuis l’Esplanade (arrêt Observatoire) jusqu’à la clinique Ste Anne,
- création d’une voie Est.
Aujourd’hui, comme nous l’écrivions dans notre billet du 11 février 2013 (un scénario à 3 stations au lieu de 2 ? ), et par l’entremise du cabinet TTK de Karlsruhe, la CUS semble favorable à l’extension du tram jusqu’à la rue de la Renaissance.
Le vote de vendredi valide la volonté de la CUS de prolonger la ligne E et lance la concertation.
Quel est l’objectif réel de la Ville et la CUS ?
La CUS est-elle franche et cherche-t-elle l’intérêt des Robertsauviens dans cette prolongation ? Car l’équipe actuelle, il faut se le rappeler, a toujours été opposée à ce tracé.
Ci-dessous un tract signé par Nicole Dreyer (adjointe de quartier) et qui critiquait fortement le tracé «gadget» proposé par l’équipe de Fabienne Keller en janvier 2003, appelant à dire non à un projet «réalisé en dépit du bon sens» ; elle incitait aussi à « proposer des solutions alternatives efficaces et réfléchies» lors de l’enquête publique.
Ci-dessous, également, une vidéo de Roland Ries (le jour de l’inauguration de la ligne E en novembre 2007), où il déclarait que la ligne E desservait bien les institutions européennes mais n’était pas un tram qui allait à la Robertsau.
Roland Ries réagit à la l'inauguration de la... par blogrobertsau
Aujourd’hui, le fait que cette ligne passe par le Wacken fait perdre un temps précieux aux voyageurs et le tram se trouve en concurrence frontale avec les bus traditionnels, notamment les lignes 15 et 6 beaucoup plus efficaces et rapides. Nul besoin d’enquêtes très poussées pour le constater : les bus ne désemplissent pas.
Ci-dessous un exemple de trajet, rue Boecklin – Fac de droit un lundi matin, où il est plus simple de prendre le bus que le tram (source VIA-Alsace).
Résultat aujourd’hui, une fréquentation anémique et déficitaire du tram. La CTS se garde d’ailleurs bien de communiquer les chiffres et les demander est une gageure : on croirait demander les codes nucléaires.
Enfin, et non des moindres critiques de la ligne : le maillage. La ligne E rejoint la B et C au niveau du Wacken. Je ne sais pas si vous avez déjà eu le bonheur de prendre le tram en même temps que de nombreux étudiants et jeunes heureux de se rendre à leur établissement scolaire, c’est une vraie joie de connaitre l’effet sardine. Le matin, les trams sont bondés.
De plus le cadencement sera limité, c’est à dire que dès maintenant, le nombre de trams entrant sur ce tracé est déjà limité.
Alors pourquoi aujourd’hui prolonger une ligne qui accumule tant de critiques ?
De la même manière que le magicien détourne l’attention du spectateur (généralement avec une belle et jolie demoiselle pas très habillée), la Ville et la CUS détournent l’attention de leurs véritables intentions.
En réalisant ces études, la CUS et la Ville ne prennent pas beaucoup de risques. D’abord parce que cela concernera la prochaine mandature. On peut constater que le rythme de la réalisation d’une ligne prend au minimum un mandat (voir ligne A qui est prolongée à Hautepierre ou le prolongement de la ligne D dont les travaux n’ont pas commencé).
Ce que n’a pas manqué de signaler la conseillère communautaire d’opposition Anne Schumann :
« Au regard des délais de réalisation d’un tel projet, j’ai bien peur que, comme pour l’Opéra, comme pour le réaménagement des Halles, le PEX et le quartier d’affaires, il ne s’agisse que d’une nouvelle annonce électoraliste car tout le monde a bien compris que les travaux ne démarreront pas avant plusieurs années».
Une campagne de communication en période électorale ?
Le code électoral interdit les grandes campagnes de communication et les inaugurations 6 mois avant une échéance électorale, mais pas les «concertations» semble-t-il.
A la lecture de la délibération du conseil de CUS, il s’agit plus d’un plan média que d’une véritable concertation.
Plaquettes, affiches, annonces dans les journaux locaux, CUS Magazine, réunions publiques, tractages, site Internet de la ville, journaux électroniques… On a mis les grands moyens pour «séduire» le Robertsauvien qui parlera du tram qui traversera peut-être la Robertsau mais qui ne résoudra pas pour autant ses demandes concrètes de transport.
La CUS va tout de même dépenser dans cette petite histoire 240 000 € HT (l’équivalent de 200 smics).
Mais l’objectif de la CUS est bien de détruire les obstacles qui l’empêchent d’atteindre les terres vierges du Nord pour y construire le plus de logements possible. La taxe foncière est aujourd’hui l’une des rares et vitales ressources des communes depuis l’abandon de la taxe professionnelle.
Mais comme il y a actuellement saturation de la route de la Wanztenau et surtout du carrefour papeterie, il faut trouver les moyens pour les déverrouiller : la voie Est et la voie lisière.
En prolongeant la ligne de Tram E, elle s’achète une bonne conscience auprès des Robertsauviens, tout en créant les prochains problèmes de circulation avec des constructions au nord, et des routes, encore des routes.
La ville a d’ailleurs sur ce sujet une position pour le moins étrange. Elle refuse le GCO tout en faisant exactement le contraire à la Robertsau en créant des voies de contournement.
*Au notera encore au passage que la CUS ne diffuse toujours pas ses conseils sur Internet, et que l’intention de concertation s’arrête déjà à l’opacité des débats… Ça commence finalement très mal, surtout au vu des sommes en jeux.
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