Faut pas prendre les Robertsauviens pour des poireaux sauvages !

Faut pas prendre les Robertsauviens pour des poireaux sauvages !

L’une des plus anciennes institutions de la Robertsau vient d’être le théâtre d’une OPA très hostile. D’autant plus sauvage que l’attaque s’est passée dans le milieu feutré de la paroisse catholique Saint-Louis, qui cultive son goût du secret comme la Grande Muette. L’objet de la convoitise ? La fête de la St-Fiacre ! Voilà plus…

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L’une des plus anciennes institutions de la Robertsau vient d’être le théâtre d’une OPA très hostile. D’autant plus sauvage que l’attaque s’est passée dans le milieu feutré de la paroisse catholique Saint-Louis, qui cultive son goût du secret comme la Grande Muette.

L’objet de la convoitise ? La fête de la St-Fiacre !

Voilà plus de 250 ans que les habitants de ce quartier célèbrent et rendent hommage à l’une des plus belles professions de la terre : les jardiniers. Quoi de plus beau, en effet, que de travailler au rythme des saisons et de proposer des légumes, des fruits et des fleurs !

Avant et malgré le diktat des grands groupes internationaux et l’ère triomphante des spéculations et du dumping social entre pays, les femmes et les hommes de ce quartier ont eu la sagesse de reconnaître ce qui était vital pour eux : la relation de l’homme avec sa terre nourricière.

Certes, elle s’est exprimée à travers le prisme de la religion – un saint, une légende – pour fédérer les énergies ou pour formuler une explication à bien des mystères. Cela prendrait aujourd’hui d’autres formes et l’on ne peut porter un jugement sur leur choix à l’époque.

Ce rendez-vous a marqué et rythmé la vie de la Robertsau, jusqu’à ce que les derniers maraichers baissent les bras, face à une société qui préfère la culture intensive, faire venir le raisin de l’hémisphère sud, manger des fraises en hiver, ou qu’ils ne puissent résister aux offres alléchantes des promoteurs immobiliers.

Face aux changements climatiques flagrants qui bouleversent les saisons, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir remettre de l’ordre et les initiatives sont nombreuses : elles portent le nom de circuit court, bilan carbone, plan climat, bio, etc.

La relation particulière de la Robertsau avec la terre avait toute sa place pour faire école, pour que son esprit, fait de respect, d’humilité et surtout de générosité puisse servir d’exemple. La Confrérie des jardiniers Saint-Fiacre a su, dans le droit fil de Vatican II, insuffler cet esprit, ouvrant très largement ses portes et ses activités à tous ceux qui s’y retrouvaient : humilité, simplicité, ouverture, amitié, fraternité, œcuménisme,…

Mais la Confrérie Saint-Fiacre devait passer trois caps importants:

  •  la fin des maraichers à la Robertsau ;
  • un vieillissement des ses membres ;
  • la laïcisation de la société alsacienne.

Pourtant, bon pied, bon oeil, la fête de la Saint-Fiacre tenait. Elle rassemblait toutes les générations des acteurs de ce quartier, qui ne voulaient pour rien au monde manquer ce rendez-vous de l’amitié du deuxième dimanche de septembre. Cela tenait au charisme du président de la Confrérie Paul Hoffsess qui a toujours tenu à ce que la St-Fiacre soit une fête oecuménique, qui inclut et non qui divise. Chacun, croyant ou non, y trouvait son compte et était respecté.

L’heure de la retraite allait sonner pour la Confrérie avec le sentiment du devoir accompli. Certes, il n’y aurait pas de suite, mais les jardiniers savent que c’est le cycle de la vie.

Mais pour le malheur de la Saint-Fiacre, allaient survenir deux événements : la nomination de Nicole Dreyer comme adjointe de quartier et celle du nouveau curé de la paroisse Saint-Louis Didier Muntzinger.

Dès son arrivée à la Robertsau, Nicole Dreyer veut organiser une «fête de quartier». Elle réunit les principales associations du quartier pour «écouter» leurs propositions. Plusieurs voix s’élèvent pour dire qu’une telle fête existe déjà : la St-Fiacre ! Et si, pour l’instant, c’est une fête en partie religieuse, elle peut réunir et fédérer l’ensemble des habitants : le respect de la terre, le retour à une agriculture raisonnée…. Il y a en plus à la Robertsau, la ferme Bussière qui est le centre d’éducation à l’environnement, bref, des valeurs modernes en phase avec les préoccupations des habitants.

Mais l’adjointe est une militante laïque et veut laisser sa trace. Elle ne veut en aucun cas entendre parler de St-Fiacre moderne, ce sera donc une fête en plus, classique, début octobre. Les associations ont beau faire leur possible, quand il n’y a pas de terreau, ça ne prend pas.

Là-dessus arrive un nouveau curé à la paroisse St Louis, Didier Muntzinger. Col romain et habillé de gris, il est dans la droite ligne de la nouvelle politique de Rome, sous le pape Benoît Treize et Trois : le retour de l’église triomphante, à force d’encens, de latin et de surplis empesés ! Fini le souffle du Concile Vatican II et son ouverture au monde, il faut restaurer la Vraie Foi et sonner les cloches pour marquer son territoire !

La Saint-Fiacre est une aubaine en or !

Trouvant qu’il n’a pas les mains libres pour faire ce qu’il veut assez rapidement, fin juin 2011, il envoit un courrier à Paul Hoffsess pour le presser à la démission.

La démarche souligne «l’élégance et les scrupules» du bonhomme, envers une personne qui a donné plus de 40 ans de sa vie au service de la Confrérie et de la paroisse. Mais sa croisade ne s’arrête pas à ce genre de détail…

Aujourd’hui, c’est une page qui se tourne. D’un rite qui a du sens, on passe à une tradition stérile, proche du folklore et exclusivement religieuse. Une page se tourne, mais nous ne sommes pas dupes, il ne faut pas prendre les Robertsauviens pour des poireaux sauvages.

 La période où l’on se tendait la main est-elle révolue ?

La Robertsau en image

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