Réserve naturelle de la Robertsau : Les pécheurs pétitionnent
Et ça n’a pas tardé, suite à la catastrophique réunion de présentation de la Réserve Naturelle de la forêt de la Robertsau, les premières voies discordantes se font entendre.
Et ça n’a pas tardé, suite à la catastrophique réunion de présentation de la Réserve Naturelle de la forêt de la Robertsau, les premières voies discordantes se font entendre.
La réserve naturelle de la Robertsau est des rares sujets qui fait consensus. Son classement était réclamé par les associations depuis des dizaines d’années… et pourtant l’enquête publique va commencer dans quelques jours. Nous écrivions alors « comment louper sa réunion alors que tout le monde est (presque) d’accord ? »
Les pécheurs, après une tribune publiée dans les Dernières Nouvelles d’Alsace le 29 décembre, lancent maintenant une pétition en ligne, qui au moment où nous écrivons ces lignes avaient déjà recueillie 651 signatures.
Voici la tribune des pécheurs :
Le 14 décembre dernier, nous avons pu découvrir dans les colonnes des Dernières Nouvelles d’Alsace que le projet de classement en réserve naturelle nationale du massif forestier de la Robertsau prévoyait l’interdiction de la pêche. Pour la Fédération du Bas-Rhin de Pêche et de « Protection du Milieu Aquatique cette nouvelle provoque stupeur et indignation.
La pêche dans la forêt de la Robertsau est pratiquée depuis de nombreuses années dans le cadre d’une convention qui unis la ville de Strasbourg et la fédération de pêche. La règlementation, prévoyant notamment une interdiction la pêche du 15 avril au 30 septembre, y est plus restrictive qu’ailleurs. A ce jour, aucune incivilité n’a été formulée, ni par le propriétaire, ni le locataire. La naturalité des lieux attire le pêcheur qui peut pratiquer son activité en toute quiétude dans un environnement préservé. Les craintes de sur-fréquentation halieutique de ce territoire ne sont pas fondées. Quant à l’impact de la pratique de la pêche sur la loche de rivière, une espèce à forte valeur patrimoniale, il est également infondé. L’espèce n’est pas capturable à la ligne !
Six réserves naturelles nationales contribuent à préserver les écosystèmes rhénans dans le département du Bas-Rhin. Comme dans la majorité des 167 réserves nationales que compte notre pays, la pêche y est autorisée. Moyennant parfois quelques adaptations liées aux enjeux de conservation des habitats et des espèces, l’activité se fond naturellement dans le paysage. Qu’y a-t-il de si différent à la Robertsau qui nécessiterait une protection intégrale ?
De par ses statuts, son agrément au titre de la protection de l’environnement et les convictions qui l’animent, la Fédération du Bas-Rhin pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique est favorable à la conservation et à la restauration du milieu aquatique. Depuis plusieurs décennies déjà son réseau milite et agit pour une amélioration de la dynamique fluviale du massif forestier de la Robertsau. Elle veut être pour le classement en réserve naturelle de ce territoire. Cependant, sa mise à l’écart du processus de classement, la radicalité infondée des mesures de gestion proposées tendent à se demander si, comme le souligne le blog de la Robertsau, l’amateurisme ne s’est pas emparé des services de la ville. A moins que le passage en force n’ait été la stratégie adoptée pour mener ce projet de territoire ? En tout cas, à quelques jours du démarrage des enquêtes publiques, comment mieux s’y prendre pour diviser là où il y avait unanimité ? »
Par courrier des lecteurs interposé, Bernard Irrmann
« Je voudrais en tant que photographe-naturaliste qui fréquente la forêt de la Robertsau depuis maintenant plus de trente ans apporter quelques précisions quant à ce courrier qui laisse la porte ouverte à certaines contre-vérités.
Tout d’abord il faut rappeler que dans le cadre de la création de la réserve naturelle, la pêche ne sera pas interdite sur tout le périmètre de la réserve. Elle sera en effet maintenue sur l’Ill, la Fleet et le Hellwasser, dans les douves du fort Ney ainsi que sur les deux gravières du Rohrkopf et du Blauelsand.
En tant que partie prenante dans la conservation et la restauration des milieux aquatiques, les pêcheurs devraient se réjouir qu’enfin ce projet aboutisse : une réserve naturelle, cela signifie aussi de nouveaux moyens financiers pour améliorer la dynamique des biotopes. Peut-être cela permettra-t-il de mettre sur pied des projets de remise en eau et de redynamiser le réseau hydrographique.
Lors de mes sorties, je n’ai rencontré ces dernières années que très peu de pêcheurs sur les bras morts du Rhin de la forêt de la Robertsau. Seul le Karpfenloch attire quelques amateurs. Pour le reste, l’ensemble des surfaces en eau sont en grande partie impropres à une pêche de loisirs. Elles constituent cependant des frayères fécondes qui, si on les laisse à leur rôle, auront un effet bénéfique sur l’ensemble du domaine piscicole.
Il faut aussi souligner qu’il ne s’agit pas, comme le laisse entendre ce courrier, de créer une réserve intégrale (dans laquelle toute activité humaine serait proscrite) mais bien une réserve qui devra concilier préservation de la nature et accueil du public, et dans laquelle la promenade, l’équitation, la cueillette familiale seront toujours autorisés. Pour arriver à cet équilibre, les mesures précises de gestion seront à définir dans un comité consultatif de gestion dans laquelle les pêcheurs auront leur mot à dire.
Mais surtout il est aujourd’hui temps de réaliser que la nature n’est pas là pour être à notre disposition et pour que chacun en use selon des intérêts individuels ou corporatistes. La biodiversité, ce n’est pas seulement des espèces menacées en Afrique ou aux Pôles. La question est aussi locale et l’érosion de la diversité de la vie se joue aussi aux portes de notre ville.
L’enjeu est donc aussi culturel et c’est en développant les activités pédagogiques et en renforçant les liens entre la population et son environnement immédiat que nous irons vers une évolution des mentalités en faveur du respect du patrimoine naturel.
Enfin, que les pêcheurs et protecteurs du milieu aquatique se rassurent : la pêche sera toujours ouverte à la Robertsau… et ce même sans carte de pêche… à des pêcheurs qui s’appellent Martin, héron cendré, grande aigrette, grèbe huppé ou butor étoilé… »
Vu la tournure du débat, sur un sujet où tout le monde était d’accord, il est urgent que la Ville de Strasbourg organise des réunions publiques pour éclaircir les positions.