Exposition : Instants d’étoiles au CINE de Bussierre
Un télescope, du papier et des pastels… avec ces trois outils, Frédéric Duchesne réalise la plupart du temps « sur le vif », des astrodessins. Une superbe exposition à découvrir au CINE de Bussierre à partir du 6 novembre 2022
Frédéric Duchesne a 53 ans. Il vit et travaille en Alsace. Grâce au télescope (un Newton 200/1000 avec une monture équatoriale), le monde de l’astronomie lui est devenu accessible.
Depuis 11 ans il observe le ciel étoilé et le dessine depuis bientôt 9 ans. Il s’agit d’une passion qui ne cesse de grandir à côté de sa profession d’enseignant en éducation musicale au collège, au conservatoire et dans les écoles de musique.
Le dessin est une de ses activités de prédilection depuis toujours. «Instants d’étoiles» est sa première exposition.
Une exposition à voir du 6 novembre au 4 décembre 2022 au CINE de Bussierre à la Robertsau.
Montrer sur une feuille de papier des objets célestes immenses mais d’apparence minuscule, le plus souvent invisibles à l’oeil nu, perçus à travers une toute petite ouverture qu’offre un télescope, voilà ma gageure !
Le réalisme et la magie se combinent harmonieusement : j’aime dessiner ce que je vois au plus près de ce qui me semble être la réalité… Plusieurs magies opèrent dès lors : la magie de la loupe –oculaire– (grossissement) et la magie de l’espace : la lévitation d’objets massifs entourés de vide. À travers la vue, je parviens à atteindre d’autres sens grâce à une troisième magie : la reproduction en direct où je retrouve, à travers le dessin, les formes, les textures (pour les sphères et les nébuleuses), les couleurs, mais aussi une sorte de masse notamment pour les sphères.
Ce qui me paraît remarquable, c’est que la simple vue des objets, comme les galaxies, dépasse les sens et les notions de poids, même si j’en perçois une idée erronée.
Les secrets du ciel
Regarder autrement : avec une vision décalée, au sein de la nature, dans la tranquillité des bruits variés des sons nocturnes (le chant de la hulotte, celui des cigales…). Rentrer en contact avec ce que je ne soupçonne pas ordinairement. Être enfin dans la lumière du silence sidéral.
Dessiner la nuit nécessite des pratiques spécifiques : d’autres manières de se concentrer, d’observer avec les contraintes de la brume, de l’humidité, du froid. Coûte que coûte, il s’agit de faire de la nuit une alliée. Plus elle est sombre, mieux elle dévoile les secrets du ciel.
Je dessine aussi à partir des photos d’objets du ciel profond qui ne sont pas accessibles à l’oeil, même à travers un télescope. Je peux ainsi m’exercer sur beaucoup de nuances de couleurs (dont les photons s’accumulent davantage dans un appareil photo plutôt que directement sur la rétine). Ainsi je parviens à mieux apprécier le déploiement des volutes d’une nébuleuse.
Je compare ensuite ces deux perceptions pour affiner mes observations : le but est de retrouver des éléments et des détails vus en photo dans ce que je perçois directement, le plus souvent en vision décalée (voir le triptyque de la nébuleuse d’Orion-M 42). Ces appréciations visuelles plus fines se font souvent en dixièmes de seconde quand la météo le permet.
Mon défi consiste à capter mes impressions et à les retranscrire sur papier : des nodosités cachées (vision décalée), des degrés de brillances ponctuelles (effets blink : vision intermittente), des couleurs, et des dégradés au sein d’une nébuleuse ou bien les différences de magnitude, de couleurs d’une étoile à une autre. Tout cela guide mon crayon pastel, mais aussi découpe et hiérarchise mon dessin qui se structure tout au long d’une nuit.
Dessiner c’est aussi partager avec les autres l’extraordinaire. En discuter avec eux. Montrer comment je vois et, en allant plus loin, comment je dessine.
À propos des grands formats
À l’origine l’astro-dessin est une démarche scientifique, à l’instar des croquis de Galilée : il révèle des mondes.
Un astro-dessinateur précise des références : date, heure, lieu, coordonnées, ascension droite, déclinaison, matériel utilisé, etc. Pour des raisons techniques et de difficulté dans la finesse du tracé aux crayons pastels, je me suis mis à agrandir mes formats en passant du A4 au A3, désireux de gagner en détails. J’ai remarqué aussi que les personnes à qui je montrais un petit format ne prenaient pas le temps de regarder ou tout simplement ne voyaient pas bien. Constatant l’effet plus frappant que peut exercer un dessin en grand format sur quelqu’un, je me suis mis à agrandir ces derniers.
« Composer, c’est faire des sacrifices »
Approche artistique : mon ancien professeur de composition musicale, Christian Villeneuve, me disait : « Composer, c’est faire des sacrifices ». J’y vais, je n’y vais pas ? Je suis fatigué mais c’est le moment ou jamais… Dépasser les difficultés, tenir jusqu’à ce que la Lune, ou la galaxie, ou l’amas globulaire disparaisse dans l’horizon trop épais et turbulent. Je veux dessiner tout l’objet,