La ville qu'on ne veut pas !
Notre société va mal, et nous venons enfin d’en découvrir la raison : 20 km de trop. Les voitures roulent trop vite et voila la cause, l’unique cause du désordre ambiant. Allez, hop, tout le monde adopte la «sénateur attitude…» et on appuie sur la pédale de frein et d’un coup de baguette magique tous…
Notre société va mal, et nous venons enfin d’en découvrir la raison : 20 km de trop.
Les voitures roulent trop vite et voila la cause, l’unique cause du désordre ambiant.
Allez, hop, tout le monde adopte la «sénateur attitude…» et on appuie sur la pédale de frein et d’un coup de baguette magique tous nos problèmes seront résolus, car enfin, quand la ville sera à 30 km, nous aurons enfin «la ville qu’on veut» si l’on en croit la propagande municipale. Du travail ? Du pouvoir d’achat ? Des emplois ? Rien de tout cela, le bonheur n’est dans la réduction de vitesse.
C’est effectivement caricaturale, mais pas tant que ça.
D’où est sorti ce projet ? Certainement d’un chapeau et l’on sent bien que toutes les raisons qui se cachent derrière cette opération politico-médiatique ne sont pas sur la place publique, mais cela est une autre histoire.
On veut apaiser l’espace public ? Pourquoi pas, mais force est de constater qu’on n’en prend guère le chemin.
Circuler en vélo, même à Strasbourg, c’est sport !
Est-ce qu’un cycliste aurait l’idée de stationner au milieu d’une route pour réparer une crevaison ? Pour faire une livraison ? Non, c’est ce que font quotidiennement les automobilistes, et pas seulement le quidam… les véhicules «officiels» (Ville de Strasbourg, CTS, etc.).
Il faut sacraliser les pistes cyclables et les trottoirs, ce ne sont pas des places de parking d’appoint ! La ville a tous les outils pour faire respecter la loi : on ne stationne pas sur un trottoir ! Pourquoi ne le fait-elle pas ?
A Strasbourg les vélos s’envolent !
Regardez un plan des pistes cyclables, c’est du morse ! Un petit bout par ci, un petit bout par là…. mais jamais de continuité ! Vous êtes tranquillement en train de circuler sur une piste quand elle disparait à l’endroit où vous en aviez le plus besoin… ou elle change de coté. Si vous souhaitez apaiser la ville, faites en sorte que les pistes, les trottoirs soient continus ! (Là encore, nul besoin de grand changement, la ville peut agir.. pourquoi ne le fait-elle pas ?)
La vitesse moyenne à Strasbourg n’est pas 50 km, mais certainement en dessous, ce qui rend ce projet finalement peu pertinent et les zones 30 ne seront pas plus respectées demain qu’elles ne sont pas aujourd’hui.
Nous avons surtout besoin de cohérence ! Moins de lois, mais appliquons celles qui existent déjà !!!!!
La ville a été aménagée (y compris avec des réalisations très récentes comme celle du carrefour rue du Général de Gaule / Boulevard de la victoire et tram F un modèle du genre) uniquement pour la voiture, un peu pour les transports en commun, le vélo et les piétons étant toujours la cinquième roue du carrosse.
Il est évident qu’il ne faut pas tomber dans le panneau de cette grossière opération médiatique.
La sécurité des piétons et des cyclistes n’est pas affaire de « scoop » ou de solutions toutes faites, mais d’une réelle volonté de respecter tout un chacun ce qui est loin d’être le cas comme nous pouvons le constater au quotidien.
Emmanuel Jacob
Bonjour, j’ai deux explications à ce que vous décrivez et une proposition.
La première explication est culturelle: depuis la Charte d’Athènes (années 1960), les urbanistes nous inventent des villes à usages spécialisés. Le principe est simple: un usage, un espace. Ca donne la spécialisation des quartiers: habitat, activités économiques, sports, loisirs, etc. C’est valable aussi pour l’espace public, à savoir la rue: le trottoir pour les piétons, les pistes pour les cyclistes, les couloirs pour les bus,…et tout pour la voiture, qui, -autre corpus culturel intangible-, fait figure de mâle dominant et semble pouvoir se permettre tout. Si, en plus, ces automobiles sont des 4×4, -puissants parmi les puissants-, c’est pire.
Mais donc, pétris de ce moule culturel, nos ingénieurs ont longtemps construit nos espaces publics d’abord pour la voiture, – en démontant au passage les rails de tram…-, puis, après seulement, pour les autres usages. C’est ce qui explique ces parcours en morse que vous dénoncez et ces itinéraires cyclables aberrants. L’espace public reste une affaire d’ingénieurs routiers et, qui plus est, automobilistes! Etonnez-vous, dès lors, de la toute-puissance laissée aux voitures!
Deuxième explication: cette culture de spécialité et du pro-voiture s’inscrit, depuis des décennies, dans le marbre de la réglementation et des normes. Il est énorme le codex des normes, qui encadre la création des aménagements et des équipements de circulation publique! Tout est normé, de la largeur d’un trottoir à l’épaisseur des bandes blanches d’un zebra! L’ingénieur loufoque qui souhaiterait expérimenter quelque chose, à l’instar du tourne-à droite cycliste aux feux rouges testé à 5 carrefours du centre-ville de Strasbourg, doit, au préalable, attendre le feu vert de l’Etat, et n’a de chances de l’obtenir qu’à grand renfort de paperasse et de patience.
Culture et réglementation de la spécialisation des espaces sont donc les deux ennemis du cycliste, du piéton, du rollerman…, bref, de tout ce qui, en ville, ne roule pas en voiture.
Résultat de tout cela: je suis cycliste sur ma piste cyclable, pas question que quiconque d’autre y vienne circuler, sus aux piétons, aux poussettes et évidemment aux voitures. Je suis piéton sur mon trottoir, pas de vélos, attention! Et je suis automobiliste, rien à faire des piétons, cyclistes et autres mousticaillons de la route, je suis le puissant, je roule et stationne où je veux! Bref, c’est la compétition des uns contre les autres.
On peut rêver mieux, comme vivre ensemble, non?
Dès lors, on peut, -il faut-, batailler pied à pied pour améliorer les choses, pousser les voitures abusives et les lignes blanches et vertes pour faire une place plus grande aux autres modes de déplacement, doux et actifs. Et verbaliser là où la règle n’est pas respectée.
A cette bataille du court terme, -voici ma proposition-, il faut concomitamment joindre, en l’engageant de suite, un combat de fond, du moyen et du long terme: celui du partage de l’espace public et de la priorité absolue donnée au…piéton, parce que, de tous les usagers des transports, c’est lui le plus fragile, le moins protégé. C’est l’esprit des « zones de rencontre », c’est l’esprit, me semble-t il, de l’élargissement des zones 30: assez de la dictature des voitures, priorité aux usagers les plus fragiles! Plus de pistes, ni de couloirs! Plus de bandes blanches ou vertes, de panneaux réservés ou interdits! La mixité des usages sur un espace enfin redevenu commun imposera le respect entre usagers.
La société qu’on s’imagine se lit dans son espace public. Si, comme c’est ma conviction, la vie est diverse, l’espace public doit être divers. Oui, cette histoire de pistes et de bandes, c’est éminemment politique, non?