Risques industriels : un plan de prévention opaque
Nous publions ci-dessous la tribune de Jean-Daniel Braun, de l’ADIR, Association de Défense des Intérêts de la Robertsau, sur le plan de prévention des risques technologiques.
« Le bilan de la prévention des risques industriels en Alsace présenté récemment par la DREAL, et rapporté dans votre édition du 8 novembre, appelle de ma part un certain nombre de réflexions. En Alsace, comme dans le reste de la France, les PPRT ont été approuvés à marche forcée sur ordre du ministre, contrairement aux affirmations de Ségolène Royale, qui déclarait le 5 avril dernier à l’occasion de l’assemblée générale de France Nature Environnement : “Les certitudes arrogantes assénées par les décideurs n’aident ni à réparer le présent, ni à préparer l’avenir… Le temps est à l’efficacité et à la morale de l’action publique.” Il est aussi “à l’association des citoyens aux décisions qui les concernent”, ajoutait-elle.
Les associations de défense des riverains, membres de la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso, réunies à Paris le samedi 25 octobre 2014, ont malheureusement dû constater le manque de transparence complète des DREAL dans l’établissement des études de risques qui conditionnent les zones de danger des PPRT. Le refus de communiquer les bases des calculs permettant d’établir les cartes de risques est général. Ce manque d’information est certainement à la base de la mauvaise acceptation de ces plans par la population. De plus, il faut constater que le principe pollueur-payeur n’est en aucun cas respecté.
À Strasbourg, l’élaboration du PPRT du port aux pétroles est une bonne illustration de ce qui précède. Depuis l’enquête publique réalisée au début de l’année 2013, l’Association de défense des intérêts de la Robertsau (ADIR) soutient, explications techniques à l’appui, que les critères d’exclusion du PPRT, fixés par la loi, d’un certain nombre de risques existant au port aux pétroles ne sont pas remplis. Cette situation a conduit l’association à porter recours devant le tribunal administratif. Depuis bientôt deux années, les services de l’État n’ont pas trouvé de réponses aux arguments avancés. Ainsi le PPRT du port aux pétroles, loin de sécuriser les riverains, occulte un certain nombre de risques bien présents.
Pire, une inspection du site de Rubis Terminal le 6 février 2014 montrait que les prescriptions de l’arrêté ministériel du 10 mai 2000 fixant les conditions d’exploitation du site n’étaient pas respectées. Le constat d’une visite de contrôle en date du 27 mars 2014 convenait que la situation était rétablie, mais mettait en lumière que “la présence dans une même capacité de rétention de liquides inflammables et de substances susceptibles de dégager du cyanure d’hydrogène en cas d’incendie pose question”. Cette situation présente des risques de toxicité aiguë et de dégagement d’acide cyanhydrique en cas d’incendie ou d’échauffement, mais elle n’a pas été répertoriée dans les risques pris en compte lors de l’élaboration du PPRT.
En ce qui concerne les projets de géothermie profonde, quatre dans l’agglomération strasbourgeoise, aucun accord de forage n’a été donné à ce jour. L’ADIR, concernée par une installation prévue au cœur du port aux pétroles, s’étonne que ce projet puisse même être évoqué, sachant qu’à ce jour tous les sites de ce type dans le monde ont dû faire face à l’occurrence de microséismes pouvant être ressentis par la population avec des conséquences parfois néfastes. Le phénomène de sismicité induite, bien que connu, n’est pas encore compris physiquement par les scientifiques. Les sinistres provoqués au sein de l’environnement bâti, les risques de pollution et ceux liés à un environnement dangereux comme le port aux pétroles, répertoriés dans tous les forages de ce type, doivent impérativement être pris en compte dans les décisions d’autorisation qui seront prises par l’autorité préfectorale, après avis de la DREAL.
La population, souvent représentée par des associations responsables, doit être associée à la maîtrise de risques. La transparence en ce domaine est la condition de l’acceptation des risques industriels, inhérents à l’activité humaine.