[Quartier Nature] : "Y'a cabas faire de déchet, hein !"
Ça sent l’opération bidouillée à la va-vite. L’autre samedi, pour la semaine européenne pour la réduction des déchets, l’eurométropole distribuait des cabas en tissu aux clients du marché de la Robertsau, histoire de les sensibiliser à la réduction et au tri des déchets. Gratuit, trop gratuit. “Bonjour, Madame, c’est pour vous, c’est un geste…
Ça sent l’opération bidouillée à la va-vite. L’autre samedi, pour la semaine européenne pour la réduction des déchets, l’eurométropole distribuait des cabas en tissu aux clients du marché de la Robertsau, histoire de les sensibiliser à la réduction et au tri des déchets. Gratuit, trop gratuit.
“Bonjour, Madame, c’est pour vous, c’est un geste de l’eurométropole pour vous sensibiliser aux déchets.
— Mais, regardez, j’ai déjà mon cabas…!
— Mais c’est gratuit… C’est la semaine de réduction des déchets.
— Ah, si c’est gratuit…”
C’est sans doute parti d’une bonne intention : les déchets s’accumoncellent* et personne ne semble en mesure de les réduire vraiment, malgré toutes les campagnes de communication en faveur des consignes de tri. Mais tri n’est pas réduction et, à l’heure où l’eurométropole doit débourser 200 millions d’euros pour se doter d’une nouvelle usine d’incinération, l’enjeu du zéro déchet, zéro gaspillage devient plus crucial que jamais.
Il ne suffit plus de bien trier, il faut désormais réduire nos déchets, c’est-à-dire en produire moins. Les déchets, ça pollue et ça coûte (très) cher. Il faut que ça cesse. Et c’est pas gagné, s’est-on sans doute dit au centre administratif où des élues se sont vu déléguer officiellement et récemment la mission de faire de notre métropole une agglomération zéro déchet.
Et quelle meilleure occasion que cette “semaine de la réduction des déchets” pour commencer à rameuter les foules autour de cette noble ambition ? D’où la distribution de cabas sur les marchés…
Bon, les cabas, c’est bien. Ils sont en tissu, assez solides, made in India (on s’occupe des déchets chez nous, pas en Inde, hein). Il viendra s’ajouter aux paniers, cabas, sacs, chariots… que quasiment tous les clients du marché utilisent déjà. Un de plus, ça peut pas faire de mal.
Mais après ?
“Merci pour le cabas, mais, à part le cabas, je peux faire quoi pour réduire mes déchets ? demande-t-on au distributeur, qui se révèle être un étudiant.
— Franchement, on m’a recruté hier pour cette opération, j’en sais pas beaucoup plus. On fait le tour des marchés, en deux semaines. Là, dans une heure, je dois être à Eckbolsheim. Tenez, je peux aussi vous donner ça…”
En plus du cabas, donc, un dépliant sur les consignes de tri et un autre sur la fabrication maison d’un nettoyant multi-usages à base de bicarbonate de soude et de vinaigre blanc, qu’on testera volontiers pour vous. Rien de plus sur la réduction des déchets.
Bref, une opération de comm’, rien de plus. Pas même un petit document qui pourrait lister les quelques gestes très faciles pour réduire ses déchets en faisant ses courses, qu’on a pu observer sur le marché même :
– acheter le plus possible en vrac (pour les légumes, c’est très facile),
– réutiliser son carton d’œufs pour le faire garnir par son marchand,
– réutiliser ses emballages de fromage blanc (servi à la louche par la marchande),
– on a même vu du fromage à la coupe juste déposé dans un petit sac isotherme (sans emballage),
– venir avec de petits bocaux de verre pour se faire servir ses petites quantités (par exemple, les olives); quasiment tous les marchands sont désormais prêts à tarer votre récipient avant de vous servir au poids,
– de façon générale, éviter les produits sur-emballés, quand même assez rares sur un marché.
Quelques personnes s’étonneront de cette opération, peu compréhensible et donc peu comprise, sur un marché, où l’acte d’achat est le moins générateur de déchets. Quid des grandes surfaces ? Quid des fabricants et commerçants, qui, sous prétexte de marketing, continuent de rechigner à la vente en vrac et de sur-emballer leurs produits? Quid de la collecte au poids, dont la facturation inciterait vraiment à réduire ses déchets?
Ce n’était évidemment pas le lieu, ni le jour d’aborder ces questions, auxquelles on laissera à la collectivité le crédit de réfléchir et travailler. Mais elles ne manquent pas de révéler un certain agacement à constater que la communication semble supplanter l’action, une fois de plus.
Mais, bon, merci pour le cabas, qu’on veillera à… ne pas jeter.
*comme dirait San Antonio. Oui, on a les références qu’on veut.
Semaine de la réduction des déchets, du 19 au 27 novembre : www.serd.ademe.fr
Quelques conseils pratiques : www. strasbourg.eu/menageaunaturel
Des idées, des conseils, un collectif à Strasbourg : www.zerowastefrance.org
*quid des grandes surfaces alimentaires: Et on fait quoi de la règlementation en qualité de sécurité sanitaire??? Bizarre qu’il n’y ait aucune obligation dans ce sens pour les marchés alors qu’en magasin toutes les solutions évoquées dans l’article sont totalement proscrites… Je suis la première, en tant que commerçante de la « méchante » grande distribution à vouloir réduire les emballages, mais la loi en matière de sécurité sanitaire et d’affichage légal des produits ne va pas du tout dans ce sens…
Acheter et consommer des produits frais est un des meilleurs moyens de réduire ses déchets, en évitant les produits sur-emballés.
Nous sommes d’accord avec vous : les produits alimentaires industriels sont soumis à des normes de sécurité sanitaire, qui impliquent souvent des méthodes d’emballage très génératrices de déchets finaux pour le consommateur.
Ceci dit, au-delà de ces questions de normes d’emballage qui s’imposent à elle, la grande distribution pourrait faire plus, d’ores et déjà, pour réduire les déchets chez ses clients.
Par exemple :
– ne plus proposer de sachets plastique pour les fruits et légumes, mais des sachets papier; voire pas de sacs du tout : proposer aux clients la possibilité de tarer leurs propres sacs ou cabas pour la pesée des fruits et légumes (source d’économies pour la magasin!);
– vendre les oeufs à l’unité, en acceptant que les clients réutilisent leurs cartons d’oeufs;
– proposer de la vente à la coupe pour le fromage, la viande et la charcuterie (ok, ça demande du personnel…), plutôt que des bouts de fromage sur-emballés;
– proposer de la vente en vrac (à l’image des Naturalia ou même d’Auchan) pour les produits secs et certains liquides (huile d’olives, lessive,…);
– proposer un service de « désemballage » à la sortie des caisses;
– etc.
L’imagination et le dynamisme sont au pouvoir et nous savons que les directeurs et directrices de nos supermarchés robertsauviens n’en manquent pas ! Bref, la chasse aux déchets peut être passionnante…, au bénéfice de tous!
Lorsque j’ai reçu ce sac la semaine dernière marché, je m’attendais à cette réaction sur votre blog.Comme d’habitude vous critiquez tout ce qui est fait ou organisé par la ville, en feriez vous de même si la municipalité était de droite ? En tout cas mon sac m’est bien utile.
Vous n’avez sans doute pas bien lu ce que nous avons écrit : le cabas, c’est bien. Nous avons même dit que nous laissions à la collectivité le « crédit » de réfléchir et de travailler à des solutions sur les vrais enjeux de la réduction des déchets.
Mais se contenter de faire distribuer des cabas par des étudiants recrutés la veille, sur un marché dont quasiment tous les clients en disposent déjà, sans avoir un message plus charpenté sur le Zéro Déchet (par ex., un petit dépliant avec les 10 gestes Zéro déchet, c’est si compliqué que ça?), c’est jeter notre argent par la fenêtre.
Donc, oui, la couleur de la municipalité importe peu, notre argent n’ayant pas d’odeur.