[Europe 1/5] Quelle Europe de Strasbourg ?
Le 9 mai c’est la journée de l’Europe Nous entamons une série d’articles sur ces institutions qui sont si intimement imbriquées dans le quartier de la Robertsau. Pour ce premier article retour sur la genèse de « l’Europe de Strasbourg. »
A Strasbourg, il faut manier le mot “Europe” avec beaucoup de précautions. Au repas de famille de la vie publique, il peut déclencher des débats plus qu’animés. Émettre, ne serait-ce qu’une suggestion ou une critique, mème minime, et vous verrez votre auditoire se raidir dans une posture de défense du « statut européen » de Strasbourg.
Car à Strasbourg, l’Europe est un tabou et ne pas caresser dans le sens du poil, les “merveilleuses institutions” que nous avons l’honneur d’héberger vous mènera au pilori. Et vous aurez injonction sur le champ de déclarer votre flamme sans possibilité de nuance à L’Europe.
Il n’y a qu’à voir les cris d’orfraie sur le soi-disant prix “Capitale de la démocratie” pour se rendre compte à quel point les positions sont d’abord dogmatiques. Les uns et les autres se jetant à la figure et sans vergogne les sentences gros sabot : pas de place à la nuance, à Strasbourg l’Europe tu l’aimes ou tu la quittes.
Une raideur d’esprit qu’il ne faut pas confondre avec le militantisme convaincu. Le premier n’acceptant pas la nuance, le deuxième faisant avancer le schmilblick.
Après la guerre : plus jamais ça
L’Europe de Strasbourg est née de belles idées (celles de la paix et de la coopération) et d’un hasard. Après les monstruosités de la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’hommes et femmes éclairés ont dit “plus jamais ça”. Ce sera le Conseil de l’Europe dont les actions sont basées sur la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’autres, ont voulu créer une Europe de la coopération économique qui donnera l’Union Européenne.
Strasbourg, ville symbole s’il en est, a été choisie par le Conseil de l’Europe comme siège dès sa création sur proposition du britannique Ernest Bevin (Article 11 de l’Accort de Londres du 5 mai 1949).
Et c’est parce que l’institution disposait d’infrastructures que les premières réunions de future Union Européenne, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) s’y tiendront au détriment de Luxembourg, pourtant choix initial. (L’administration continue de siéger à Luxembourg, dans le bâtiment Konrad Adenauer).
Amusons-nous de savoir que la Commission Européenne devait également avoir son siège en France.
“Pierre Pflimlin, alors ministre des Finances et maire de Strasbourg, craint que si la France accueille toutes les institutions, l’Assemblée parlementaire échappe à sa ville. Il milite donc pour la candidature bruxelloise.”
Voir Strasbourg, Bruxelles : où se situe le siège du Parlement européen ?)… l’histoire est des fois cruelle.
C’est donc en 1997 seulement que l’UE signe un protocole sur la répartition de ses institutions (traité d’Amsterdam) et en 1999 que le parlement peut siéger dans l’IPE IV – Louise Weiss.
Et des « Europe » à Strasbourg il y en a plein : celle de la démocratie et des droits de l’homme qui est ici en permanence et celle de la gouvernance communautaire navigant entre Bruxelles et Luxembourg ; on pourrait rajouter celle de la navigation sur le Rhin, de la télé…
L’Europe revêt donc plusieurs réalités dans notre ville et dans le quartier de la Robertsau. Mais l’Europe de Strasbourg, c’est d’abord et avant tout Le Conseil de l’Europe qui est présent toute l’année. Mais aimer l’idée de l’une ne doit pas empêcher un regard critique sur l’autre. C’est même un signe de bonne santé intellectuelle que de n’être pas tous en rangs d’oignons avec un sourire béat dès que le mot “Europe” est prononcé.
Alors oui, on va encore une fois devoir montrer notre passeport pro-européen. Mais même si nous aimons l’idée, cela ne nous empêchera pas :
- d’exprimer notre agacement devant les agents qui ne respectent pas le code la route (« garés comme une merde » dans notre langage) ;
- de continuer à penser que le lieu d’Europe ne fonctionnera pas là où il est et que persévérer à le financer revient à arroser le désert ;
- de considérer que l’école européenne de Strasbourg n’en a que le nom et est réservée à une caste.
Car à vouloir faire table rase de toutes ses expromissions, finalement on encourage les plus radicales et les plus extrémistes. Et au final on ne parle plus d’Europe mais uniquement d’un totem, une statue .
L’Europe mérite mieux qu’une posture, elle doit être vivante et chacun doit y participer. C’est pourquoi la bétonisation sécuritaire de la promenade Alcide de Gasperi est un triste symbole. La pose de barbelés autour du Parlement une ignominie.
Nous avions la chance de toucher l’Europe du doigt, c’est elle qui s’éloigne de nous. Dommage.
A propos de symboles: du côté du Parlement la fermeture de l’accès aux berges contraire au Code du Domaine Public (servitude de marche pied) a été réalisée sans consultation des citoyens et malgré un edifice vide on ne peut pas se promener sur cette allée Gaspieri. Cette tendance à Bunkerisation se retrouve du coté du Conseil où des barrieres antiémeutes et des caméras ont été installées en vue de fermeture lors des sessions.
Plusieures manifestations sur place et une lettre adressé au Maire en 2019 par 7 associations de citoyens ont été complètement ignorées.
A part les Elus, qui trouve cette Europe sympatique??