Géothermie profonde : avis négatif pour le Port aux pétroles
De mémoire de Blog de la Robertsau, jamais une enquête publique n’avait donné un avis négatif. C’est dire les failles du dossier sur la géothermie profonde à la Robertsau. Les rapports sur les projets de géothermie profonde sur l’agglomération de Strasbourg ont été remis au préfet de Strasbourg par le commissaire enquêteur le 6 juillet…
De mémoire de Blog de la Robertsau, jamais une enquête publique n’avait donné un avis négatif. C’est dire les failles du dossier sur la géothermie profonde à la Robertsau.
Les rapports sur les projets de géothermie profonde sur l’agglomération de Strasbourg ont été remis au préfet de Strasbourg par le commissaire enquêteur le 6 juillet dernier. Il est négatif pour celui de Fonroche au Port aux pétroles selon les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Ces projets (Illkirch, Eckbolsheim, Mittelhausbergen et la Robertsau) de géothermie profonde ont fait couler beaucoup d’encre, particulièrement à propos de la Robertsau. Il faut dire que procéder à un forage géothermique profond au cœur d’un port aux pétroles a de quoi inquiéter. Les commissaires enquêteurs ont déposé leurs dossiers à la préfecture le 6 juillet. Leurs publications semblent un peu erratiques.
Le rapport pour le projet d’Illkirch est déjà publié, et l’avis du commissaire enquêteur pour Illkirch est favorable. Il est consultable sur le site de la Marie d’Illkirch Graffenstaden. Saluons au passage la transparence que cette ville met en œuvre. Par contraste, le manque d’enthousiasme de Strasbourg pour favoriser le débat public est saisissant.
Un manque de concertation
Selon l’article signé par Myriam Ait-Sidhoum des Dernières Nouvelles d’Alsace, le commissaire enquêteur, Jean Annaheim, met en avant le risque important de pollution de la nappe phréatique :
Au vu des activités des industries du port, une telle catastrophe [type AZF à Toulouse] n’est pas improbable même s’il est prétendu que les risques sont maîtrisés ou du moins limités. Un tel événement serait susceptible de créer des réactions en chaîne pouvant avoir un impact sur les infrastructures de l’unité géothermique et notamment sur les forages. Une éventuelle dégradation de la nappe phréatique n’est donc pas à exclure
et de préciser :
même si le pétitionnaire (Fonroche- ndlr) assure que toutes les dispositions sont prises pour éviter tout contact entre le liquide géothermal (chargé de saumure et radioactif) et la nappe, le risque de rupture d’un tubage suite à une importante sismicité n’est pas à exclure.
Les associations du quartier de la Robertsau, Adir en tête, ne disaient rien d’autre. Elles s’inquiétaient également des risque d’explosion liés aux opérations de forages. Un argument repris par le commissaire enquêteur :
Ce risque ne peut être entièrement écarté compte tenu de la localisation du projet au sein d’une zone comportant déjà de nombreux établissements classés Seveso.
Une claque pour la démocratie locale à Strasbourg
Nous l’avons souligné de nombreuses fois sur le Blog de la Robertsau, la démarche de démocratie locale sur ces projets « n’a pas été à la hauteur » (doux euphémisme) des ambitions affichées par la communication de la Ville (voir notre billet du 14 mai 2015 : [entretien] Géothermie profonde : Alain Jund veut faire le bonheur des Strasbourgeois malgré eux). Il est rare qu’un commissaire enquêteur le souligne de manière aussi virulente :
Ce manque de concertation préalable ou d’approche démocratique écarte de fait toute association des citoyens aux décisions qui les concernaient.(…) Je considère que la démarche participative telle qu’elle aurait dû être menée dans la phase amont n’a pas eu la place qu’elle mérite dans le processus d’élaboration de ce projet.
Sur l’enquête d’Illirch, le rapport émet une réserve sur l’information des secteurs concernés par le réseau de distribution de chaleur. Et elle ne concerne pas ES Géothermie (porteur du projet), mais l’Eurométrople :
Le maître d’ouvrage en la matière, à savoir l’Eurométropole, n’a pu répondre aux questions posées d’où cette réserve à son encontre et non à celle d’ES Géothermie
891 observations ont été comptabilisées par le commissaire enquêteur ; 135 contributions sont françaises, 756 sont allemandes. Elles sont quasi unanimement opposées au forage au port aux pétroles.
Cerise sur le gâteau, l’avis négatif de la Ville Strasbourg : hors délais
Est-ce le signe d’une mauvaise volonté de la Ville de Strasbourg ou un acte manqué ? Le commissaire enquêteur signale que l’avis de la Ville de Strasbourg a été transmis hors délais.
Et maintenant ? Le rapport du commissaire enquêteur est un avis, rien qu’un avis. Mais il est particulièrement rare que la préfecture ne le suive pas. On peut dire que l’avis négatif condamne de manière quasi certaine le projet de géothermie profonde à la Robertsau. Que d’énergie – et d’argent – dépensés pour finalement arriver à la même conclusion que tout un chacun : « le port aux pétroles n’est pas compatible avec un forage géothermique profond ».
Dans ce dossier, Catherine Trautmann, Alain Jund et Roland Ries portent une lourde responsabilité. Ils ont essayé, coute que coute, de faire passer en force ce projet. La mobilisation venue d’abord d’Allemagne et ensuite de France a été plus importante qu’ils ne le pensaient. Voila un exemple cinglant qui bat en brèche leur soi-disant modèle de concertation.
Saluons, enfin, le préfet Stéphane Bouillon qui est actuellement sur le départ pour rejoindre la grande région Paca, d’avoir pris ses responsabilités et de ne pas laisser la patate chaude à son successeur.
Tous les articles sur la géothermie profonde sur le Blog de la Robertsau
sur DNA.fr :
« Un p’tit trou, un p’tit trou, un dernier p’tit trou
Et on m’mettra dans un grand trou et j’n’entendrais plus parler d’trous
Plus jamais d’trous, de petits trous, des petits trous, des petits trous… »
Et bravo au Blog de la Robertsau d’avoir bien suivit le dossier !
Oui, bien sûr. Mais il faut surtout saluer l’investissement et la compétence de certains membres de l’ADIR.
Et ceux de l’Asser !
Je crois que les opposants à ce projet seraient sages d’attendre l’épilogue de cette affaire, avant de sabrer le champagne: la décision du Préfet et l’abandon du projet par Fonroche. Il s’agit de ne pas se retrouver comme certains Italiens, un soir de 2000, à essayer de reboucher des bouteilles trop vite sautées…
A Illkirch, ça fait des années que le regretté Philippe Carbiener, alors adjoint en charge de l’écologie, a lancé l’idée d’exploiter la géothermie profonde, idée devenue aujourd’hui projet. Ca fait donc des années que la Ville concerte et communique avec sa population sur ce thème, en lien avec l’opérateur ES (dont le statut d’énergéticien local n’est pas pour rien dans le sérieux avec lequel il aborde ces questions avec ses interlocuteurs).
Rien à voir, donc, avec la situation strasbourgeoise et Fonroche.
En outre, même si la démocratie locale peut se faire sans qu’on y soit obligé, ces projets relèvent d’un code minier, qui est très peu démocratique et qui devrait être réformé en profondeur pour laisser beaucoup plus de place à l’expression des collectivités locales et des citoyens, tout au long de ces procédures.
Le projet robertsauvien a toujours souffert de son péché originel, à savoir qu’il est prévu dans une zone Seveso, faisant l’objet d’un PPRT, qui prévoit explicitement qu’aucune activité industrielle nouvelle ne pourrait venir s’y implanter. Cette contradiction était incompréhensible, comme l’est l’autisme de Fonroche, des services de l’Etat et des élus concernés (qui ont mis un temps fou à rétropédaler).
Enfin, même si cette banderille est violente, c’est au Préfet que revient la responsabilité de porter l’estocade, en refusant l’autorisation de forage. Son éventuel refus devra être motivé et basé sur de solides arguments, pour dissuader tout recours de l’opérateur.
Bonne nouvelle pour les Robertsauviens, mauvaise nouvelle pour le climat!
A 6 mois de la COP21, conférence cruciale pour la lutte contre le dérèglement climatique (à Paris, sic!), la France reste décidément à la traine des énergies alternatives au nucléaire et au pétrole. Tout indique que ce sera un des rares pays européens à ne pas atteindre, d’ici 20230, les 20% d’énergies renouvelables qu’elle s’était donnés pour objectif à Kyoto.
Entre le poids du lobby nucléaire (qui fait tout pour maintenir un coût de l’électricité trop faible et irréel), un Etat déliquescent qui n’a plus les moyens de ses ambitions, des collectivités locales peu courageuses face aux râleurs et des opérateurs engoncés dans les arcanes juridiques et financières, la voie semble trop raide et semée d’embûches pour que la France puisse rapidement rattraper son retard.
Très bon commentaire ; il était utile de la rappeler. La liste des embûches est juste. Si on commençait par demander aux écolos de ne pas s’opposer à chaque projet d’installation d’éolienne ?
Pour autant que je comprenne leur position, les écolos ne sont pas opposés à l’éolien. Ils souhaitent seulement, -comme pour la géothermie, au demeurant-, que ces technologies ne portent pas atteinte à la biodiversité, c’àd qu’on parvienne à concilier les réponses aux enjeux climatiques et naturels. Ceci ne me parait pas une position rétrograde ou négative.
Alors c’est vrai que leur position n’est pas toujours facile à comprendre, mais c’est peut-être justement parce que les choses ne sont pas si simples qu’on le dit.
Mais jeter l’opprobre sur les écolos, c’est risquer de cacher le vrai ressort des oppositions à ces projets, le NIMBY, bien répandu en France (et aussi en Allemagne, si l’on en croit Angela): tous ces projets, c’est bien, mais surtout pas à côté de chez moi!
Ce ressort est très facile à alimenter, il se nourrit de tout et de n’importe quoi, des simplifications aux manipulations d’autant plus aisées que les sujets sont complexes: organiser, dans ces conditions, un « débat public » digne de ce nom relève soit de l’inconscience, soit du masochisme, car le principe de base du « NIMByiste » est de nier en permanence que ce débat a lieu et d’en rejeter les termes…
Communiqué de la Staatskanzlei à Berlin:
« La chancelière Angela Merckel se réjouit que les Kehlois aient été si nombreux à exprimer leur opposition au projet de géothermie profonde, envisagé à Strasbourg (Alsace).
Cette mobilisation sans précédent (7 fois plus nombreuse que celle des Français) a permis que ce projet recueille un avis négatif du commissaire-enquêteur, soulignant les risques graves qu’il fait courir à l’économie du Bade-Wurtemberg.
Je félicite et remercie nos concitoyens d’avoir su illustrer, avec gravité et compétence, le sens des responsabilités, le pragmatisme et le réalisme, qui caractérisent la façon dont nous entendons conduire nos affaires, en Allemagne, en Europe et dans le monde. »
En clair: des Grecs aux Français, les conneries, ça suffit.
Communiqué en retour
« Les français se réjouiraient si les allemands étaient plus nombreux à s’opposer aux centrales à charbon qui font de l’Allemagne le pays le plus polluant d’Europe. http://www.euractiv.fr/sections/energie/palme-dor-des-centrales-electriques-polluantes-pour-lallemagne-et-le-royaume-uni
Ils ne félicitent pas les allemands qui se vantent de sortir du nucléaire… en Allemagne, tout en investissant dans le nucléaire dans les pays voisins, y compris la France. http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Allemands-investissent-dans-le-nucleaire-a-l-etranger-_NG_-2010-09-16-578077
En clair : à l’égard des Grecs et des Français, votre arrogance, ça suffit. »