Tremblement de terre à la Robertsau : la géothermie montrée du doigt
Après la secousse ressentie mardi à la Robertsau, les regards se tournent vers le forage géothermique de Fonroche à Reischtett. Serait-il à l’origine de cet évènement « induit » ?
Pour Jérôme Van der Woerd, chargé de recherches au CNRS à l’Institut de physique du globe de Strasbourg, et cité par les Dernières Nouvelles d’Alsace :
Le séisme pourrait être dû à des activités de forage géothermique, au nord de Strasbourg, qui peuvent provoquer des chocs entre des blocs de croûte terrestre
C’est la question que pose France 3 Alsace » Un tremblement de terre de magnitude 3,3 ressenti à Strasbourg : la géothermie profonde est-elle responsable? » et Jérôme Van der Woerd de préciser :
C’est tout à fait possible que ce séisme soit causé par ces activités de géothermie. Le séisme est localisé à une profondeur d’environ six kilomètres, ce qui le situe dans une zone de profondeur en relation avec les zones de géothermie.
Et devinez qui est en train de forer du côté de Reischtett ? Nos amis de Fonroche qui voulaient également faire un forage à la Robertsau. Ils avaient d’ailleurs invité la presse pour visiter le site en avril 2018 :
Se sentant montrée du doigt, l’entreprise dément catégoriquement être responsable du séisme :
Les techniciens présents sur le site ont, à leur niveau, identifié le séisme ressenti à Strasbourg aux alentours de 14h38 comme distant d’au moins cinq kilomètres au sud du site de forage. Ce site était par ailleurs à l’arrêt depuis 5 jours.
A posteriori on se dit que la mobilisation des Robertsauviens contre l’installation d’un puits au Port autonome (en plein PPRT) nous a fait échapper au pire.
On ne peut que relire, la tribune des associations en juin 2015 :
Concernant la technologie non mature, ce n’est pas celle du forage lui-même, mais celle de l’exploitation ultérieure.
Les dangers viennent de la « stimulation », injection de grandes quantités d’acides dilués dans l’eau, parfois pendant des mois, pour libérer les failles existantes des minéraux les colmatant. La perméabilité nécessaire au fonctionnement en boucle, réinjection du fluide géothermal après utilisation de la chaleur, n’est parfois atteinte qu’au prix d’une augmentation dangereuse de la pression.
La corrosion des tubes dans la durée est à craindre compte tenu de l’agressivité du fluide géothermal à 150°C, conduisant à la pollution de la nappe phréatique. Ces dangers sont parfaitement illustrés par les études américaines récentes où cette pollution et l’augmentation des séismes sont largement documentées.
StrasTV est allé à Schiltigheim pour vérifier sur place les dégâts occasionnés par le séisme :
La préfecture du Bas-Rhin rappelle la bonne attitude en cas de répliques :
À l’intérieur :
- Abritez-vous près d’un mur, d’une structure porteuse ou sous un meuble solide,
- Éloignez-vous des fenêtres pour éviter les bris de verre,
- Coupez l’eau, le gaz et l’électricité,
- Si vous êtes à proximité d’une sortie, et uniquement dans ce cas, quittez le bâtiment et éloignez-vous
À l’extérieur :
- Éloignez-vous de tout ce qui peut s’effondrer,
- Méfiez-vous des chutes de pierres,
- En voiture, arrêtez-vous, si possible loin des constructions.
Enfin, pour la bonne bouche, on ne peut que vous inviter à relire nos articles où Alain Jund et Robert Herrmann chantent les louanges de la géothermie profonde.
Une longue période d’enquêtes et de recherches s’ouvre pour déterminer les causes de ces séismes (puisqu’il s’agit d’une série de séismes qui a duré plus d’une heure, avec des intensités de 1,5 à 3,1 sur l’échelle de Richter). Il s’agira de déterminer notamment si les liquides injectés par Fonroche l’ont été à des pressions inférieures ou supérieures aux seuils imposés par l’arrêté préfectoral. Ces pressions peuvent s’exprimer à leur point le plus profond bien des jours après la réalisation des injections, une éventuelle surpression pouvant provoquer les fractures à l’origine de mouvements sismiques. Mais tout cela reste hypothétique à ce stade et la bataille sera longue, pour déterminer les responsabilités et indemniser les victimes des dégâts matériels constatés.
De façon générale, il est clair que ces incidents ravivent le doute sur la fiabilité de la géothermie et légitiment l’opposition que les Robertsauviens avaient exprimée à l’égard de forages au port aux pétroles. Du point de vue de la nécessaire transition énergétique, ce n’est pas une bonne nouvelle. En effet, la géothermie est l’une des énergies renouvelables les plus efficientes dans l’agglomération strasbourgeoise, un site de géothermie pouvant convertir l’approvisionnement énergétique de plusieurs milliers de logements et bureaux. Avec la géothermie, la transition peut être accélérée. Sans elle, il faudrait redoubler d’efforts en matière de sobriété énergétique (faire baisser les consommations) et miser sur d’autres énergies renouvelables, telles que la biomasse (mais attention aux ressources de nos forêts), le solaire (mobiliser toutes les surfaces favorables), la chaleur fatale (par ex, issue des Aciéries de Kehl ou de l’usine d’incinération) ou la méthanisation (gaz issu des biodéchets ou de la station d’épuration). A investir aussi, l’hydrogène, dont les technologies s’affinent et commencent à se traduire par de belles réalisations, mais sur lequel Strasbourg est en retard.