Port sur la ville
Pendant longtemps, le Port de Strasbourg était un totem sacré. Mais, géré par Catherine Trautmann, il est un état dans l’état qui ne veut pas rendre de comptes et que l’on s’intéresse à ses affaires.
La dangerosité du Port aux pétroles n’est plus à démontrer. Le simple fait de la mise en œuvre du PPRT prouve que le danger en bien présent. Le conseiller municipal Thierry Roos a initié un débat au conseil municipal du 23 octobre dernier en posant la question de l’étude d’impact en cas de déménagement du centre pétrolier.
Sa demande est plus que raisonnable, il ne dit pas qu’il veut le déménagement, mais souhaite bien que l’on puisse en connaître les conséquences, pour éclairer les futures décisions. Car gouverner c’est prévoir, et si l’on veut faire face au défi du changement climatique il faudra bien poser la question de la fin des énergies fossiles.
C’est dans ce contexte qu’a eu lieu un débat au conseil municipal de Strasbourg (voir vidéo ci-dessous). Pour une fois qu’il y a un débat de fond, on ne peut que vous conseiller de le regarder (45 min).
Pour l’adjointe à l’environnement Christel Koehler
« le déménagement du port est compliqué mais ce n’est pas parce que c’est complexe qu’il ne faut pas en discuter en tenant en prenant en compte toutes les contraintes. »
Mais l’adjointe se garde bien de s’engager sur un calendrier ou une méthode pour faire avancer le débat.
Dans une (trop) longue intervention (sur la vidéo à partir de 11:07 jusqu’à 19:31), Catherine Trautmann en porte-parole des industriels des années 70 :
le déménagement du port n’est pas envisageable, il est le seul site en Alsace qui permet de relier la route, le fer, le fleuve et les pipelines. […] Le PPRT est efficace et l’ensemble des risques sont maitrisés par les équipes du port et contrôlés par les services de l’État.
et de rajouter en forme de conclusion :
Oui au débat, mais que cela ne se fasse pas sans les entreprises et sans la présidente du port.
En bref, on fera tout pour empêcher de trouver des alternatives au Port aux pétroles, et surtout que nous soyons juge et partie pour mieux faire capoter la chose de l’intérieur.
Fait intéressant, elle apporte, à son insu, un élément en faveur du déménagement du Port en rappelant que cet été le niveau du Rhin étant trop bas, les bateaux alimentant le PAP n’ont pas pu circuler et que les autorités ont dû entamer les réserves stratégiques… de Reichstett. Le réchauffement climatique étant, hélas, ce qu’il est, il faut s’attendre à ce que la navigation sur le Rhin devienne de plus en plus compliquée car ces situations vont se reproduire fatalement. Une raison de plus pour envisager d’autres moyens pour approvisionner le secteur.
Ce qui nous a inspirés pour pasticher l’affiche du film d’Henri Verneuil : Peur sur la ville, et qui devient avec complicité de Robert Herrmann : Port sur la Ville.
Pour Eric Senet, le PAP est un site historique et quasi impossible à déménager :
On oublie que ce n’est pas le port qui est venu vers les habitations, mais les habitations qui sont venues vers le port.
Et faire toute son intervention sur l’information sur les mesures de sécurité. Le sujet n’est pas inintéressant, mais ce n’est pas la question.
Hors sujet également, mais rien d’étonnant à cela, Nicole Dreyer affirme que c’est très technique (sous-entendu, les citoyens ne peuvent pas comprendre). Et de finir par :
Déménager le PAP, c’est démagogique.
L’adjointe de quartier de la Robertsau est, c’est bien connu, une grande spécialiste des risques industriels et elle est capable de vous fournir des conclusions fermes et définitives avant même d’avoir entamé une étude, ce qui est quand même le sujet de l’interpellation, faut-il le rappeler.
C’est ce que redira Thierry Roos, en rappelant qu’il souhaite que la ville s’engage sur une « vision et une intention » sur le devenir du Port.
Enfin, Jeanne Barseghian (32:00) pose la question, qu’est ce que l’on veut faire ? Déplacer les logements ailleurs ou les activités ailleurs ? Et de proposer une troisième voie :
Je propose une troisième voie qui ne serait ni l’un ni l’autre mais qui consisterait au contraire à travailler structurellement sur ces activités polluantes et en particulier les plus dangereuses pour la population à la fois parce qu’inéluctablement et en particulier sur ce qui concerne les hydrocarbures on sait bien, et d’ailleurs nous portons une transition énergétique, et nous portons une transition énergétique et nous portons ici collectivement un plan climat pour sortir rapidement de l’utilisation des énergies fossiles et préparer la société post-carbone.
Le maire de conclure en rappelant qu’il a demandé au préfet une réunion sur les risques du PAP et qu’il veut travailler sur l’information des risques (avec la distribution d’un encart dans Strasbourg Magazine)… Mais lui non plus ne répond pas à la question sur l’étude et les conditions d’un déménagement, encore moins sur un calendrier.
Ce qui a été pris en défaut à Rouen avec Lubrizol, c’est bien l’auto-contrôle des entreprises. En fait l’État délègue la plupart du temps le contrôle des risques aux entreprises polluantes, c’est comme demander aux gendarmes de confier la sécurité à ceux qu’ils sont sensés poursuivre.
À suivre demain sur le Blog de la Robertsau : « Habitations – Port aux pétroles qui occupait le site en premier ?«
L’avenir du port aux pétroles, – et sans doute du port de Strasbourg dans sa globalité -, mérite autre chose que des yakas ou des fonkons de campagne électorale. C’est la vision de la ville qui est en jeu, dans un futur très incertain, mais dont on sait chaque jour de mieux en mieux les prémices énergétiques, climatiques et écologiques : la fin des énergies fossiles et faciles, donc l’épuisement du système même dans lequel notre port s’ancre depuis plus d’un siècle. Et ce, à l’échéance d’une génération. Voilà pour le fond : quel avenir pour notre port dans ce contexte là ?
La forme est toujours aussi importante que le fond. A cette question, il est donc urgent de répondre par un débat démocratique de haute tenue, qui associe experts et candides, entreprises et associations, élus et citoyens. Débat alimenté par des expertises indépendantes, choisies par l’ensemble des participants. Débat où tout le monde se met à niveau, y compris les autorités du port (émanations de la Municipalité, faut-il le rappeler) qui devront accepter de se dévoiler et de descendre dans l’arène citoyenne, y compris les citoyens qui devront accepter les réalités économiques et sociales vécues par les entreprises du port. Il y a là un défi démocratique enthousiasmant à relever !
En parallèle à cette démarche et parce que, dans tous les cas, le port et ses dangers persisteront encore quelques années, il est urgent aussi d’associer les habitants au risque technologique, c’est-à-dire leur faire connaître et comprendre ces risques et leur apprendre les gestes et réflexes à avoir en cas d’accident pour éviter les errements observés à Lubrizol.
De quels errements est-il question de la part des riverains, par rapport à des gestes et réflexes qu’ils auraient dû avoir à Lubrizol ?
Merci de vos précisions.
Est ce le rôle du blog de la Robertsau de servir de tribune à un candidat aux élections municipales quel qu’il soit? En l’occurrence Marc Hoffsess n°6 sur la liste Barseghian…
Excellent titre de billet !
Faire partir ce port, et l’installer près de chez quelqu’un d’autre serait en effet une bonne idée.
Quand il s’agit du port et de l’immobilier entre autres, le vert des verts strasbourgeois devient bien pâle. Il est vrai qu’ils portent aussi le bilan des municipalités Ries dont la couleur minérale est partout visible dans la ville.