En 1514, Albrecht Dürer, artiste et mathématicien, édita Melencolia I, une œuvre emblématique de la Renaissance nordique. Il releva ainsi le lien fondamental de la création artistique et de la recherche scientifique.
Dürer, originaire d’une famille hongroise, séjourna à Colmar mais aussi à Strasbourg. Il théorisa la perspective linéaire ouvrant ainsi des fenêtres inédites sur la perception et la représentation du monde dans la peinture.
Née en 1924 et d’origine hongroise, Vera Molnar est aujourd’hui considérée comme une artiste exceptionnelle marquant notre époque avec ses avancées dans la peinture concrète et abstraite. Elle s’intéresse notamment dans son œuvre au carré magique représenté dans Melencolia I de Dürer.
En suivant ce fil rouge, elle réinvente à son tour la composition picturale à l’aide des mathématiques, jouant avec les algorithmes et les principes numériques.
En novembre 2021, Apollonia présente à Strasbourg l’exposition Promenades Aléatoires de Vera Molnar en mettant l’accent sur les œuvres hommages à Dürer, mais également celles de cycles comme Sainte Victoire ou Java des carrés.
Laissons-nous embarquer sur les chemins empruntés par Vera Molnar durant plus de 70 ans de productions, sur ses liens avec le cubisme, avec Klee, Monet, Mondrian, Morellet et tant d’autres. Suivons sa main et son regard qui ont façonné des imaginaires picturaux ouvrant, comme Dürer à son époque, de nouvelles perceptions du monde et de la vie.
Vera Molnar utilise l’ordinateur dans son travail depuis des décennies, sans qu’il ne lui dicte ses choix artistiques pour autant. Ce qu’elle attend de lui, ce sont des variations, une multitude de possibilités.
Elle n’est jamais surprise de l’aperçu sur l’écran car elle se sert des algorithmes uniquement pour prévisualiser ses idées créatives. Elle fait subtilement varier certains paramètres jusqu’à ce qu’elle soit totalement satisfaite du concept pour ensuite transposer l’œuvre en peinture.
Ses créations souvent très détaillées et produites à grande échelle expliquent cette méthode de travail où l’outil informatique lui sert seulement d’assistance.
La machine est vraiment mise au service de sa liberté artistique et non l’inverse.
Vera Molnar à propos de Dürer dans deux entretiens :
« C’est en 1948 que j’ai trouvé sur une gravure de Dürer – dont le titre est La mélancolie – en haut à droite un tableau carré avec 16 chiffres inscrits dans ce tableau.
Je les ai joints d’une seule ligne en allant de 1 à 16.
Ça a donné un très beau dessin, tout simple, tout symétrique, cristallin, pur, dur, ça m’a beaucoup plu. »