Relier la place Kléber depuis la Robertsau à vélo : Thierry Roos a relevé le défi
Le conseiller municipal Thierry Roos a tenté de relever le défi d’un trajet Robertsau – Place Kléber 100 % piste cyclable. Autant le dire tout de suite, il n’y est pas arrivé (car c’est impossible) mais nous saluons son courage et son sens du dialogue.
Juste avant la fin du confinement, et sous l’impulsion des associations vélos (dont Vélorution Strasbourg) l’Eurométropole a mis en place une commission pour la mise en place d’aménagements pour circuler tout en respectant les précautions sanitaires. (On y reviendra dans un autre papier). Parmi les participants en vidéoconférence le Conseiller municipal Thierry Roos. (on notera l’absence de notre toujours adjointe de quartier…).
Il se trouve que j’ai eu l’occasion d’avoir au téléphone Thierry Roos avec qui j’ai parlé du sujet et de souligner le manque d’ambition de l’Eurométropole sur le vélo. Il me répond, comme beaucoup de personnes que j’exagère et que Strasbourg est une ville très bien équipée. Je le prends au mot, et je lui propose mon défi : relier la Robertsau jusqu’à la place Kléber 100 % vélo, 100 % pistes cyclables.
Tout d’abord un immense merci à Thierry Roos d’avoir accepté de participer à une expérimentation d’usage sur le terrain. Je ne partage pas tous ses points de vue, mais je reconnais que c’est un homme de dialogue. J’avais proposé ce défi à l’adjoint Jean-Baptiste Gernet (en charge du vélo) qu’il a refusé. On comprendra pourquoi. Thierry Roos a au moins eu le courage d’aller sur le terrain avec nous.
Pourquoi ce défi ?
Il y a autour du vélo beaucoup de légendes et de croyances à Strasbourg. À force de com, beaucoup de Strasbourgeois sont convaincus que nous sommes le paradis du vélo en France, la réalité est beaucoup plus contrastée comme le souligne la FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette).
D’ailleurs il suffit d’utiliser régulièrement votre vélo pour aller travailler, et non plus pour vos loisirs et ballades, pour constater une situation beaucoup plus compliquée que prévue par la brochure publicitaire. C’était d’ailleurs le sens du défi lancé il y a deux ans : »Êtes-vous capable de relier à vélo la Robertsau à la place Kléber ? »
Départ Place du Corps de Garde
Donc je donne rendez-vous à Thierry Roos le mercredi 20 mai place du Corps de Garde au Coeur de la Robertsau. Accompagné de l’ami Alain Kempf, nous allons le suivre dans sa tentative de rejoindre la place Kléber à vélo – 100 % pistes cyclables. Il est à l’initiative c’est lui qui choisi le chemin.
Je vous le disais en titre, la tentative est vaine, on ne peut pas rejoindre la place Kléber à vélo sur 100 % de pistes cyclables. La confusion vient du fait que l’on confond le vélo loisir et le vélo « transport », le moyen qui vous permet de vous déplacer d’un point A à un point B sans interruption et que l’on ne connaît pas la réglementation cycliste.
Par exemple, un automobiliste va tranquillement pouvoir aller place Kléber sans JAMAIS quitter son véhicule, il en va de même pour un usager des transports en commun (ligne 6 puis tram) et bien sûr pour un piéton. Il n’en est rien pour le cycliste qui va se retrouver en conflit avec TOUS les usagers de la rue, et c’est ce que Thierry Roos a expérimenté.
Une forêt de panneaux et de statuts
Et c’est déjà mal parti dans notre exemple, puisque Thierry Roos remonte une rue, puis une voie verte (panneau vert qui tortille : c’est une voie qui accepte tout ce qui n’est pas à moteur) qui aboutit sur un feu tricolore et un passage piéton.
Si le conseiller respecte bien le feu, le Code de la route dit bien qu’il faut dans ce cas-là mettre pied à terre et traverser en tenant son vélo à la main. Voir article de Rue89 Strasbourg : les droits et devoirs des cyclistes par… l’Automobile Club)
À ce stade, on n’a pas fait 1 mètre sur une piste cyclable. On va enfin en voir un bout devant le lieu d’Europe. Après l’allée Kastner (faut-il mettre pied à terre sur ce passage ? ), et pour être dans le bon sens, on traverse l’allée des Droits de l’homme. Un passage interminable en deux temps…
Devant le Palais des Droits de l’Homme, Thierry Roos choisit de prendre le quai du Canal de la Marne au Rhin jusqu’à l’IPE IV où la piste finit en eau de boudin puisqu’il faut soit traverser le boulevard Pflimlin (et un passage piéton – donc pied à terre) ce qu’il tentera d’ailleurs pour revenir sur ses roues puisque la piste était barrée par des travaux. Soit longer le Parlement Européen.
À ce propos, vous voyez à droite un panneau d’indication (carré bleu) avec un piéton et un cycliste… j’ai un peu cherché sa signification (et donc son champ réglementaire) mais je n’ai pas trouvé. Peut-être un ancêtre de la zone partagée, peut-être un indicateur de « partageons la route entre vélos et piétons (sic) », mais rien de probant…
Autant dire que l’idée de réussir le défi a fait long feu
À partir de ce point, c’est la confusion la plus totale, on longe le parlement, on remonte la rue du Levant pour arriver sur le quai Winterer : quelques dizaines de mètres de pistes cyclables…et puis plus rien. On finira par rattraper la piste boulevard Jacques Preiss un petit bout place de Bordeaux.
Un petit coup à gauche (on loupe la piste au passage) avenue de la Paix – Simone Weil. (et une voiture garée comme une merde au passage), grand tour de la place de la République, une zone de grand n’importe quoi près de l’arrêt de tram, puis quai Sturm avec une bande cyclable qui finit sans crier gare (un des endroits les plus dangereux pour le vélo à Strasbourg).
Pont de Paris : c’est Raymond Devos qui a mis les panneaux ?
On arrive pont de Paris, où il y a deux voies pour les vélos… sauf qu’on ne peut plus rien faire. Sens interdit à gauche, interdit aux vélos devant, et sens interdit à droite : c’est Raymond Devos qui fait la circulation à Strasbourg, (pour les plus jeunes, c’est ici) un vrai sketch.
Seule solution, redevenir piétons, traverser le pont et s’engouffrer dans le trafic voiture.
1 heure pour rejoindre la place Kléber ? Vraiment ?
Au final, Thierry Roos :
- A dû traverser 5/6 passages piétons à vélo : à 90 € l’amende on dépasse les 500 €.
- Il a mis plus d’une heure pour le trajet (généralement en 20 mn)
- Il a pu constater qu’il est IMPOSSIBLE de réaliser ce trajet à vélo.
- A vu la jungle des panneaux et des réglementations
- A pu constater les endroits dangereux.
Alors sur le vélo à Strasbourg on peut avoir des préjugés ou des idées préconçues . On peut tenir des discours sur « ces dangereux cyclistes qui ne respectent pas la réglementation.. » mais rien ne remplace une expertise sur le terrain.
Le chemin chaotique qu’a pris Thierry Roos est la traduction sur le terrain d’un point de vue d’automobiliste. Il suffit de temps en temps de prendre son vélo, pour se rendre compte que la « capitale du vélo » est moins pratique qu’elle le prétend.
Car pour s’améliorer, il faut déjà partager le constat.
Superbe article révélateur d’un véritable énorme problème de la robertsau. Perso je n’ai jamais eu 500€ d’amendes pour relier le centre à vélo mais j’imagine que ça doit exister à la lecture de cet article. Sans parler du danger soulever par cet élu. Les accidents de cyclistes robertauviens sont malheureusement un lot quotidien et nos cliniques sont débordées ! Et moi qui pensait que le danger était ailleurs.
les amendes sont virtuelles….
J’imagine que le danger est aussi virtuel…avec mes 50kg et mon vélo 80’s je n’ai jamais ressenti le moindre danger à aller en ville depuis la rob’. A part à traverser l’avenue des Vosges…et encore…
Attaquez vous donc aux véritables problèmes de la robertsau ! Traversez par exemple la route de la Wantzenau…ça n’empêche pas que votre blog est excellent et pour la plupart du temps très opportun.
c’est quoi un « vrai problème » ?
Le vrai prob, c’est omettre la majus à Rob , comprenez Robertsau ( Ruprechtsau), verdammi !
J’habite près de Arte, donc pas loin de la Roberstau et je ressens les problèmes soulevés : pas de continuité des pistes cyclables ; conflits d’usager continuels, avec des piétons ou des voitures / camionnettes sur les pistes cyclables; soyons honnête, des cyclistes sur les trottoirs aussi (ils nous causent du tort) ; des feux tricolores établis pour la circulation automobile, pas pour les vélos.
Le plus gênant est la notion de voie de circulation apaisée, voiture, piéton, cycliste, deux roues à moteur. A l’usage, personne n’y trouve son compte.
Et encore, nous pourrions ajouter la question des trottinettes électriques ou autres engins à traction électrique qui ne doivent pas circuler sur les pistes cyclables (rires dans la salle).
L’article rappelle un aspect essentiel : au quotidien, le vélo est un mode de déplacement, pas de loisir. Voyez Freiburg, les pistes cyclables sont faites pour les vélos, punkt !
Je crois qu’il faut rappeler que les cyclistes ont le droit de rouler sur les mêmes routes que les voitures.
Et je crois qu’il est important de l’utiliser.
Si on excepte les automobilistes qui grillent les feux rouges quand il n’y a personne ( cad pas d’autres automobilistes ) ce n’est pas si dangereux. Juste un peu désagréable.
Et j’ai pu remarquer qu’en vingt-cinq ans leur comportement vis à vis des cyclistes s’est nettement amélioré.
À mon avis la présence d’un nombre croissant de cyclistes sur les rues où ils ont autant le droit de rouler que les automobilistes y est pour quelque chose.
Je ne crois pas qu’il faille demander des « autoroutes pour vélos » mais juste le droit de circuler sans être mis en danger sur n’importe quelle voie ouverte à la circulation.
Il est vrai qu’il y a de fréquentes ruptures ingérables entre des portions de pistes cyclables sans prendre la rue. Il faut décentrer la circulation dans Strasbourg de la voiture vers les systèmes non voiture et ne tolérer les voitures qu’en dernier ressort dans les priorités et à 30 km/h maximum.
D’autre part si on ne veut pas limiter les voitures, la circulation en vélo sur les trottoirs larges (plus de deux mètres), au pas 5-6 km/h, devrait être tolérée dans les voies où il n’y a pas de pistes cyclables. C’est parfaitement possible avec un vélo équipé de développements lents. Sinon on marche avec son vélo ou sa trottinette.
La ville c’est d’abord fait pour les habitants, pas pour les voitures. Les cas indispensables pour prendre la voiture, transporter de jeunes enfants ou des personnes handicapées, faire ses courses (et encore pas toutes les courses) etc. devraient être gérables. Combien de Strasbourgeois, qui n’auraient que 20 minutes de marche à pied pour aller au travail, préfèrent prendre la voiture ? Cela devrait être tout bonnement illégal, sauf raison médicale. Seuls ceux qui sont à plus de deux km de leur lieu de travail devraient être autorisés à prendre leur voiture si ils prouvent que les transports en commun ne résoudraient pas le problème dans un temps raisonnable
D’une certaine manière les problèmes de circulation automobile en ville doivent être gérés comme une pénurie. En pénurie on fait des ticket de rationnement. En « trop plein de voitures » il y a pénurie d’espace pour les autres usagers. Donc on limite aussi la consommation de voiture. C’est une question de santé publique, d’ordre public, de lutte contre la détérioration de l’environnement, enjeu public s’il en est.
Et pourquoi pas verser une prime de soutien à tous les piétons qui n’ont même pas de permis de conduire et de très rares déplacements en bus !!
De vrais marcheurs finalement… demi Lol