[Tribune] : analyse du rapport d’expertise sur les précédents tremblements de terre

[Tribune] : analyse du rapport d’expertise sur les précédents tremblements de terre

Suite aux tremblements de terre de 2019, un rapport a été demandé par l’opérateur du site de Vendenheim – Reischtett. Nous publions ici l’analyse et la synthèse réalisé par Jean-Daniel Braun membre de l’ADIR

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Préambule

Un rapport d’expertise a été établi par les experts de l’INERIS et du BRGM à la demande de la Société Fonroche, sur la base d’un cahier des charges établi par la DREAL suite à l’événement sismique du 12 novembre 2019 de magnitude 3,1 et sur les informations et les données portées à la connaissance des experts.

Il stipule que « la responsabilité du BRGM et de l’INERIS ne pourra être engagée si les informations qui leur ont été communiquées sont incomplètes ou erronées »

Avant d’analyser ce rapport on peut s’étonner que deux organismes publics, placés sous la tutelle de ministères, soient désignés pour réaliser un travail critique impliquant la politique soutenue par le ministère de la transition écologique.

Cette situation laisse planer une suspicion de partialité sur l’ensemble du rapport, notamment ses conclusions qui ne nous semblent pas refléter les commentaires.

Contexte

L’événement sismique a été qualifié d’induit par le RéNass (Réseau National de Surveillance Sismique) avec possibilité d’une origine en provenance du site de Vendenheim de Fonroche. Cette dernière conteste tout lien avec ses travaux. Elle présente ses arguments dans un rapport qui a servi de base aux informations analysées par les experts qui précisent « l’ensemble des éléments et données produits n’ont pas fait l’objet d’une vérification approfondie » On peut s’étonner du manque d’esprit critique des experts, même si sur certains points ceux ci expriment leurs doutes quand aux éléments fournis par Fonroche.

Modèle géologique

Les conclusions des experts sur le modèle géologique présenté par Fonroche indiquent que de nombreuses questions demeurent et que dans l’état actuel des connaissances il n’est pas possible de présenter un modèle hydrogéologique cohérent.

Fonroche utilise le rapport GeOrg pour définir la cible de ses forages. Or si GeOrg est un excellent outil pour visualiser le sous sol, dans le cadre d’un projet précis il ne suffit pas, il doit alors être complété par de la recherche supplémentaire locale. L’affichage est limité à l’échelle d’une ville, soit quelques kilomètres. S’il faut aller à l’échelle d’un secteur de quelques centaines de mètres pour un choix précis d’implantation et de trajectoire de forages géothermiques il faudra obligatoirement chercher des données complémentaires. Pour pouvoir disposer assez d’informations pour prétendre à une cartographie du sous-sol très détaillée, il faut mobiliser des moyens techniques et financiers très importants.

Il ne semble pas que Fonroche ait mis en œuvre ces moyens pour déterminer la trajectoire des forages et atteindre les failles cibles.

On peut d’ailleurs s’étonner que les forages soient dirigés vers l’est, alors que le rapport GeOrg indique « la partie occidentale de la CUS constitue la zone la plus favorable du point de vue relatif compte tenu de la profondeur et de la température des réservoirs. »

Les experts précisent « Il est indispensable de mieux connaître la géologie 3D de cette zone pour pouvoir proposer un modèle hydrogéologique cohérent, c’est à dire la localisation des aquifères profonds, leur relation, la circulation de l’eau dans ces aquifères ou dans les zones fracturées, et finalement la connexion possible entre les deux puits »

Pour le moins il faut souligner le manque de professionnalisme de Fonroche, qui a économisé sur la recherche géologique nécessaire pour déterminer dans des conditions optimales le débit et la sécurité des forages.

Opérations sur le site de vendenheim 

« Pour chaque cycle d’essai, les volumes injectés et produits ainsi que la valeur de pression au réservoir ont été communiquées.Les données d’injection en tête de puits et de température du fluide ne sont en revanche pas disponibles. Or l’arrêté préfectoral du 24 mars 2016 impose une limite de 100 bars sur les pressions d’injection en tête de puits. »

Fonroche a mesuré la pression au réservoir, « qui est inférieure à la pression en tête de puits, du fait des pertes de charges sur la colonne. »

Fonroche n’a donc pas respecté l’arrêté préfectoral autorisant l’ouverture du forage géothermique et la DREAL n’a pas vérifié son respect.

Le différentiel important entre les volumes injectés et les volumes produits (1,77/1), implique qu’une quantité importante d’eau reste piégée dans le sous sol. Les quantités injectées sont beaucoup plus importantes que lors de forages similaires, près de 30 fois plus qu’à Rittershoffen. « Cela peut avoir une influence assez importante sur la sismicité, avec une augmentation du taux de sismicité et la magnitude des événements microsismiques au regard des volumes injectés.»

Il faut aussi se questionner sur l’origine des volumes injectés et leur température en différence de ceux produits. Pompage dans le nappe ?

Cette question à notre sens très importante n’a pas été abordée par les experts.

« Le rapport d’installation et les informations sur le calibrage du réseau (microsismique) en terme d’acquisition et de traitement ne sont pas disponibles. Fonroche indique par ailleurs avoir réalisé à quelques occasions des tirs d’explosifs en forage,mais que ceux ci n’ont pas été enregistrés par le réseau, ce qui pose question »

On peut donc légitiment se poser la question de la surveillance effective de la sismologie, et de la possibilité de détecter en avance l’avènement de secousses.

« L’ensemble de ces éléments (de sismicité) ne permet pas de conclure sur l’existence ou l’inexistence d’un lien de causalité entre l’essaim de Strasbourg et les opérations sur le site de Vendenheim. Des analyses ultérieures seront nécessaires pour éclaircir cet aspect »

Les experts posent la question « Comment expliquer à la fois la montée en pression et une perte de l’eau (ou fuite) injectée ? Cela souligne les efforts nécessaires à faire dans la compréhension des écoulements dans le réservoir et dans la construction d’un modèle hydrogéologique ».

Ils estiment également que le protocole Fonroche de montée en charge du doublet est insuffisamment étayé. L’approche pour estimer la sismicité potentielle du puits GT2 n’est pas fondée. De plus la surpression comme paramètre de référence à ne pas dépasser lors des tests hydrauliques n’est pas une mesuré directement.

Recommandations des experts ECOMMANDATIONS DES EXPERTS

Révision du modèle géologique 3D

Un grand volume d’eau a été injecté durant l’été 2019, 30 657 m3 injectés sur GT1 et 61 874 m3 injectés sur GT2 n’ont pas été récupérés. « Y a t il une connexion hydrogéologique entre les 2 puits ?……..Il est donc nécessaire d’apporter des améliorations au modèle géologique proposé. »

De nombreuses recommandations détaillées sont données par les experts pour accompagner la reprise, notamment pour lever les incertitudes importantes sur la connexion entre les 2 puits.

Ils soulignent notamment « En effet, un déséquilibre trop fort pression/dépression créé par l’injection/production de part et d’autre d’un faille proche du doublet pourrait la déstabiliser( avec génération de séisme de magnitude peut être élevée).

Un deuxième rapport : Point de situation des actions réalisées par Fonroche depuis la remise du rapport de tierce expertise de février 2020, en date du 17 septembre 2020

Les experts rappellent que leur responsabilité ne saurait être engagée du fait d’inexactitudes des données et informations communiquées dans le cadre de la tierce expertise. Si les experts ne savent pas être critiques par rapport aux éléments fournis, je pense que le titre d’expert n’est pas adapté.

Ils mentionnent que les observations de Fonroche « ne sont pas suffisantes pour exclure une nature induite de la sismicité de Strasbourg (12 novembre 2019). Hypothèse retenue par l’EOST. »

« Sur la base des informations communiquées…,les experts concluent alors que les modèles géologique et hydrogéologique retenus par Fonroche doivent être précisés, de même que les incertitudes sur les modèles doivent être affichées. »

La stratégie de reprise de Fonroche « se place dans un scenario favorable, …  ce qui reste à vérifier »

Les recommandations du premier rapport sont rappelées :

  • mieux comprendre la structuration du milieu à proximité de la faille cible, et les relations hydrogéologiques possibles entre les deux puits
  • améliorer la surveillance microsismique
  • adopter une stratégie plus sécuritaire pour la reprise des opérations

Fonroche en réponse au premier rapport propose un nouveau protocole de surveillance microsismique qui ne répond que partiellement aux recommandations des experts qui ne font pas d’observations supplémentaires sur le protocole de reprise des essais.

Un nouveau comité d’expert est désigné pour l’expertise des modèles structural et hydrogéologique post- tests de traçage proposés par Fonroche.

Curieusement le BRGM et l’Ineris constatent que rien ne s’oppose à la mise en place du test de traçage.

C’est dans ce contexte que les essais de traçage effectués par Fonroche ont conduits à deux événements sismiques les 27/10/2020, magnitude 2,1 et 28/10/2020 magnitude 2,6.

Une note de la DREAL en date du 28 octobre 2020 indique

« Les mesures prévues par le test d’interférences sont en cours. Elles se poursuivront jusqu’à demain midi.

L’injection dans le puits n°2 reprendra alors à un débit de 50m3/h. C’est le débit qui permet d’assurer le rééquilibrage de la pression artésienne du compartiment hydrogéologique. »

Rappelons que le débit cible du projet est de 450m3/h……..

« Le test de traçage en charge est suspendu »

La DREAL n’ayant pas effectué les contrôles qui lui revenaient jusqu’aux premiers séismes, pression d’injection par exemple, ne semble pas à même de garantir le bon déroulement des prochains épisodes.

C’est dans ce contexte que la terre a de nouveau tremblé le 5/11/2020, magnitude 2,2. Fonroche maintient une « circulation (de l’eau) de sécurité » dans le réservoir naturel.

La préfecture a confirmé que les tests ont été suspendus et que « la boucle géothermique a été placée dans des conditions de sécurité optimale dès le 29 octobre à midi » Donc bien avant ce nouveau séisme !!!!

Ces événements successifs montrent que ni Fonroche, ni les soit disant experts, ni la DREAL, ne contrôlent la situation et les conséquences d’une circulation d’eau forcée à 5000 mètres de profondeur. N’est-il pas temps d’arrêter ces essais à partir du principe de précaution et avant que des dégâts plus importants, voir des blessés ne soient à déplorer ?

Jean-Daniel Braun 

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