[Tribune] Qu’attendre des élections municipales de dimanche ? 

[Tribune] Qu’attendre des élections municipales de dimanche ? 

Au-là des programmes, c’est la gouvernance qui doit changer. C’est le rapport entre les élus et les citoyennes-citoyens qui doit profondément se métamorphoser.

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Voilà maintenant plus de 30 ans que je me suis engagé dans la vie publique. Une bonne petite moitié de ce temps a été consacrée à l’animation du Blog de la Robertsau. Je suis toujours actif dans des associations. Je suis même passé par la case parti politique jusqu’à devenir un jour élu de cette belle ville de Strasbourg. Un parcours qui me permet, modestement, mais un peu quand même, d’avoir un regard sur l’action publique de ces dernières années et sur la manière dont tout cela fonctionne. Ce n’est que le mien, d’autres auront certainement d’autres points de vue. 


Alors qu’attendre des élections municipales pour Strasbourg et particulièrement pour la Robertsau ?

Personnellement, j’attends une révolution démocratique. Il est plus qu’urgent que les prochains élus ne se comportent pas en vainqueurs. Ils devraient avoir la modestie de ceux qui, de toute façon, seront mal élus. On n’est pas porté par une vague populaire quand on est qualifié pour le second tour avec 20/30 % des voix de 37 % des inscrits à Strasbourg. Ce qui est aujourd’hui majoritaire, c’est l’abstention. Une indifférence qui doit particulièrement inquiéter celles et ceux qui présideront à la destinée de la ville à partir du 29 juin. Ils seront certes légitimes, mais je leur souhaite de prendre pleine conscience qu’ils vont devoir retisser des liens de confiance avec toute la société.

Retisser des liens

En effet j’ai une confiance très réduite dans les programmes catalogues, aussi bien intentionnés soient-ils.  Dans un cas, ils peuvent être appliqués de manière aveugle ou dogmatique et dans l’autre, ils n’ont été écrits que pour caresser dans le sens du poil un électorat et ils seront abandonnés au premier coup de vent. 

Prenez l’exemple de l’affaire du Foyer Saint-Louis, qui n’est toujours pas close à ce jour. Pendant des années, la Ville (il est vrai avec l’hallucinante complicité de l’adjointe de quartier) a joué au jeu du chat et de la souris avec les habitants. 

Pour éviter de détruire le foyer, les citoyens ont du déployer des trésors d’énergies…

Plus de 8 années de procédures, de pétitions, de manifestations, de réunions, de rencontres de toutes sortes, d’argent dépensé, de temps consacré avec une seule attente des habitants : rassembler autour d’une table tous les acteurs avec la volonté de trouver un compromis. 

Pourtant, face à l’orgueil blessé du curé, les élus municipaux auraient pu être force d’apaisement et médiateurs. Tout en comprenant les besoins de la paroisse, faire ville ensemble, pour que les projets des uns ne soient pas destructeurs de lien social. Le choix du conflit par les politiques oblige le citoyen à être en réaction, tout ce temps aurait pourtant pu être utiliser en en positif. C’est-à-dire ne pas mépriser ceux qui prennent la parole, mais bien considérer que, parce qu’ils prennent la parole, ils peuvent être des co-acteurs à la réussites des projets. 

Ceux qui parlent sont des digues, ils protègent des débordements populistes. Les associations sont des lieux d’échanges et de discussion, les collectifs des souffles d’énergies. 

Alors que le collectif voulait dans un premier temps uniquement sauver le foyer St Louis, il a évolué, à force de réflexion, vers un projet plus ambicieux d’aménégement du cœur du quartier. Il n’a eu pour seul réponse qu’une l’installation d’une zone bleue. 

Quand le politique est contrarié, il taxe le citoyen qui ose prendre la parole de NIMBY (Not In My BackYard) : l’utilisation de cet acronyme est d’une bêtise crasse. Bien évidemment si cela concerne le citoyen, il a doublement le droit de s’exprimer.  On comprend mieux le dépit de la population qui n’est pas dupe des postures de démocratie dites participative : « de toute façon, ils feront ce qu’ils veulent ». Alors oui, je crois que les habitants d’une cité doivent donner plus souvent leur point de vue, mais je reconnais que c’est particulièrement dur, chronophage (doux euphémisme), et qu’il faut avoir le cuir bien tanné pour encaisser les entourloupes. 

Une équipe exemplaire et sans privilège

À force de vivre dans une tour d’ivoire, entourée de courtisans, le premier magistrat Roland Ries et son administration n’ont plus les pieds sur terre. 

Comme pour ne pas trop se frotter à la plèbe, le maire faisait ses visites au galop à travers le quartier, sans prendre le temps de réellement aborder le fond des dossiers. Que ce soit pour l’urbanisme, la géothermie profonde, le quartier d’affaires, le tram, le vélo, le quai du bassin de l’ill, le Lieu d’Europe, la ceinture verte, le parc expo, l’expertise d’usage est inexistante, le conseil de quartier n’est pas écouté, les associations méprisées. 

La voiture de fonction du maire de Strasbourg… sous un panneau de stationnement génant. Il y a avait pourtant de la place quelques mètres plus loin.

À l’image de cette photo surréaliste de la voiture du maire garée place du corps de garde sous un panneau de stationnement gênant, Roland Ries se croit au-dessus de la règle commune. Il est temps de redescendre d’un cran. C’est ma deuxième attente : une équipe exemplaire et sans privilège. 

Il faut supprimer dans l’organisation de la collectivité tout ce qui peut-être de près ou de loin un privilège. Et j’oserais dire que le critère devrait être « est-qu’un agent de caisse ou d’entretien en bénéficie ? ». Ceux qui ont tenu la société pendant la crise du Covid, et, comme le rappelait Thomas Piketty l’autre jour sur France Inter, «  les personnes essentielles à la société sont les plus mal payées et considérées ». 

Alors oui, supprimer les voitures de fonction n’est pas une idéologie. C’est remettre les élus sur les réelles conditions de transports et de circulation de la ville. Respecter le code de la route n’est pas une option, c’est la norme pour tous les Strasbourgeois (voir les témoignages contre Streetéo). Comment comprendre une ville si on ne la respecte pas ?

Je suis sidéré qu’il existe toujours un bar au centre administratif pour que les élus puissent se désaltérer. Aux dernières nouvelles, on n’y proposait pas que des jus de fruits. Supprimer les indemnités pharaonique des SEM pour ne garder que celle (normale) de conseiller serait aussi une avancée. 

Rendre la ville au citoyen, c’est se débarrasser de ces oripeaux qui sentent bon la IVe république. Les pays du nord de l’Europe sont,  de ce point de vue pour moi, exemplaire. 

La formation : une nécessité

Comme je le rappelais en début de cette tribune, cela fait quelques années que je roule ma bosse dans la vie publique et c’est seulement maintenant qu’il me semble comprendre pleinement certains enjeux. 

Avec le Blog de la Robertsau, et grâce à vos nombreux retours, j’ai découvert avec gourmandise et curiosité un quartier. Avec mon engagement au sein de l’ADIR, j’ai eu une approche plus technique (PPRT, géothermie profonde…). Avec mon passage en politique, j’ai acquis les clefs de lecture nécessaires à la compréhension du fonctionnement interne des partis et des rapports de force une fois élus. A ce titre, je vous recommande vivement de voir le film “Alice et le maire”, qui présente avec justesse le fonctionnement cynique d’un cabinet. 

Mais, il me semble que c’est seulement maintenant que je peux comprendre pleinement certains enjeux. J’ai pourtant rencontré des militants qui collaient des affiches sur les panneaux d’expression libre à la Robertsau, j’ai été étonné de leur culture superficielle concernant les problématiques de notre quartier. 

Nous devons exiger de nos représentants qu’ils se forment, qu’ils puissent travailler correctement pour embrasser un dossier dans toute sa complexité. Pour cela, ils doivent en avoir les moyens, mais la contrepartie, c’est que les citoyens puissent les contrôler. 

C’est pourquoi je souhaite que les élus puissent rendre des comptes, non pas dans des réunions publiques toujours brouillonnes, mais dans un processus transparent.

La ville n’appartient pas à la technostructure

Combien de fois ai-je eu ce sentiment que l’avenir de la ville que j’habite, que le devenir de mon quartier ne m’appartenaient pas. 

Avez-vous déjà essayé de consulter un permis de construire , participer à une enquête publique, demander des documents à l’administration ? Croyez-en l’expérience de l’association Zona, qui a quelques procédures au tribunal administratif en cours : l’administration juge et partie, fait de la rétention de documents un art pour empêcher que des recours puissent voir le jour. 

Ce n’est plus acceptable. La loi impose à toute administration, depuis 1976, que les documents soient accessibles à tous, et c’est pour cela que la CADA a été créée. Malgré cela, la technostructure s’en moque. Dans une procédure de recours il est indispensable de mettre sur un pied d ‘égalité les associations, les collectifs de particuliers et l’administration. 

Il est urgent de faire en sorte que le recours juridique soit l’exception. 

C’est pourquoi je propose que les recours contre l’administration, sur des projets soumis à enquête publique, soient financés par la collectivité pour garantir l’égalité des moyens. Cela forcera l’administration à choisir la voie de la conciliation. 

Qu’ils sont nombreux les recours à la Robertsau, financées, faut-il le rappeler, par leurs propres deniers. Il est hallucinant que des élus ou des directeurs de services utilisent en retour votre propre impôt contre vous.

En proposant cela, j’appelle à une nouvelle culture ou la méthode sera tout aussi importante que le projet, la réussite de la concertation garantissant le succès du dit projet. 

Vous retrouverez, peut-être, ces propositions dans les trois listes en présence pour le second tour demain. Chaque citoyen fera son choix en fonction de sa grille de lecture, j’ai fait le mien, il est public, mais je ne signe aucun chèque en blanc. 

Retisser les liens avec les habitants, ne pas prendre la posture des vainqueurs, une ville modeste débarrassée de ses privilèges, des élus formés et ouverts, une administration au service de ses habitants et non contre eux me semblent être des préalables pour que tous puissent prendre part à notre aventure collective. 

Bon vote à toutes et à tous !

Emmanuel Jacob

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