Rivières, canaux et ponts de notre faubourg (I)
Après avoir passé en revue, lors d’une série d’articles, les différentes voies terrestres qui constituent notre quartier, il nous a paru opportun de nous intéresser également à nos cours d’eaux et ponts.
Vous n’êtes pas sans savoir que dans la nuit des temps, tout le territoire situé entre les Vosges et la Forêt Noire n’était qu’un immense lac.
Robert Pfister s’est intéressé à la question de très près dans son second ouvrage « Un village dans l’histoire de l’Alsace » paru en 1988 chez « Finkmatt Impression ». A la préhistoire, la Robertsau était entièrement couverte par les eaux du Rhin, et il est probable que l’Ill se déversait dans le Rhin au sud de Strasbourg, alors que la Bruche se jetait dans le fleuve au nord. Le Rhin formait alors un réseau de bras appelés « Fluth », « Rhinn » ou « Giessen » en laissant émerger, nous l’avons évoqué dans nos articles précédents, une multitude d’îles, les « Wörth ». Comme le fleuve était très impétueux, les premiers colons furent obligés d’édifier leurs habitations sur des pilotis.
Le canal des français
Vers 1686, utilisant le lit d’anciennes eaux mortes, le « Canal des français » fut creusé, en lien direct avec les fortifications Vauban, dans le but de faciliter l’évacuation des eaux de la Citadelle. Il a ensuite eu une vocation militaire celle d’acheminer les troupes et le matériel de guerre le long du Rhin à l’abri des regards des armées d’outre-Rhin, et de transporter des matériaux pour les places-fortes prévues le long du Rhin.
Il reste à la Robertsau des vestiges de ce canal, une remise en eau est en cours.
« Le canal des Français, sera restauré et remis en eau dans le quartier de la Robertsau à Strasbourg, sur près de 2,5 kilomètres » lit-on sur le site des Dernières Nouvelles d’Alsace en date du 9 mars 2012. Canal des français_DNA_03-08-12
Il y avait à l’époque, trois bras du Rhin navigables, qui reliaient l’Ill au Rhin :
- Le « Fluth » débouchait dans l’Ill à la hauteur du Fuchs am Buckel
- Le « Johannisgiessen », ou « Rheingiessen », débouchant dans l’Ill à la hauteur de la Rue de Zürich
- Le « Wuhr und Blumengiessen » reliant l’Ill à la Citadelle, puis au Rhin à la hauteur du Boulevard Déroulède, où se trouve encore le bâtiment ayant abrité le péage fluvial inférieur « Unterwasserfall » (En savoir plus)
Les deux premiers bras ont complètement disparu aujourd’hui, ayant sombré dans l’urbanisation. Le dernier bras subsiste comme une eau morte, le long de la digue, la forêt est parsemée d’un grand nombre de plans d’eau, creusés par les anciennes crues du Rhin (« Thalerkopf », « Karpfenloch ») ou vestiges des anciennes gravières utilisées pour la réalisation des digues du Rhin (« Rohrkopf », « Blauelsand », « Leutesheim »…).
Le Rhin, le canal de dérivation, bras et étangs… que d’eau !
Nous verrons plus bas que le canal de la Marne au Rhin longe le quai Jacoutot, pour entrer à la Robertsau. En continuant vers l’est, nous rejoignons le Rhin, par la route du Glaserwoerth, nous côtoyons la digue et le canal de dérivation. Nous longeons la forêt de la Robertsau, où se trouvent les étangs (Thalerkopf, Karpfenloch, Rohrkopf, Blauelsand et Leutesheim), les giessen qui sont les anciens bras du Rhin (Hellwasser, Stange Giesse, Auenheimer Giesse, Steingiessen, Altwasser…), le Kaelbelsgraben…
Le Canal de la Marne au Rhin
Il fut construit à partir de 1838 et mis en service en 1853, afin de « créer une grande voie fluviale reliant Paris à l’est de la France ». Sous le vocable « Canal de l’Ill au Rhin ou canal de la Robertsau » se cache la section la plus ancienne du canal, mais aussi la plus modernisée. Elle est ouverte dès 1842 au nord de Strasbourg entre l’Ill et le Rhin, à la hauteur des actuels Parlement Européen et Palais des Droits de l’Homme et de l’Europe, pour éviter à la batellerie venant de l’Ill et du canal du Rhône au Rhin, ouvert en 1834, de naviguer sur le cours inférieur de l’Ill, méandreux et difficile. Intégré en 1853 dans le canal de la Marne au Rhin dont il devenait de fait la partie terminale, ce canal fut constamment modernisé depuis jusqu’à être porté au gabarit de 125 m par 13,50 m en 1930. En même temps que ce canal était ouvert en 1842, l’Ill était équipée à Robertsau d’un barrage éclusé permettant la continuité de la navigation vers le cours inférieur de la rivière. Cette écluse est aujourd’hui hors service. (Source)
L’écluse met en liaison le canal de la Marne au Rhin et le Rhin. Pour relier le Rhin au Canal de la Marne au Rhin et par ce biais au port de Strasbourg deux écluses ont été construites manœuvrées à l’électricité. La plus petite date de 1904. L’autre qui date de 1837, a été allongée en 1891 et complètement reconstruite en 1930. Elle a 125 mètres de longueur utile, 13 mètres 50 de largeur. Son seuil assure un mouillage de 3 mètres 60 du côté canal et un mouillage toujours supérieur à celui du fleuve.
Avant l’écluse double, un pont tournant électrique construit en 1925, donne passage à la voie ferrée reliant le bassin aux pétroles au réseau de voies ferrées du port.
Le Canal du Rhône au Rhin
Ancien « Canal de Monsieur » (plus précisément Louis XVIII) puis « canal Napoléon », il longe la Plaine des Bouchers à l’ouest sur plus de 2 km. Cette voie d’eau de 324 km, a été creusée à partir de 1784 mais n’a été entièrement ouverte à la navigation qu’en 1833. Il débouche dans le canal de la Marne au Rhin au niveau de l’Eglise Orthodoxe de Strasbourg, rue du Général Conrad.
** Le canal de jonction de Strasbourg
La jonction entre le canal et le Rhin étant difficile par l’Ill à l’intérieur de Strasbourg (Ill et canal des Faux Remparts), ce canal de 5 km permet de passer directement du canal au Rhin au sud de la ville. Sa construction décidée en 1880, il fut ouvert en 1882. Il se présente en fait comme une dérivation de l’Ill, et comprend une écluse au gabarit Freycinet (norme européenne) au pont de la route de l’Hôpital. En aval de celle-ci, son gabarit lui permet d’accueillir des automoteurs rhénans. (Source)
L’Ill
Savez vous que « Alsace » se prononce « Elsass » en allemand, qui signifie « pays de l’Ill », ce qui a donné naissance au nom de la rivière de l’Ill. L’Ill, important affluent gauche du Rhin prend sa source dans les contreforts nordiques du Jura et baigne la plaine d’Alsace. L’Ill est navigable d’Ostwald à l’embouchure du Canal de la Marne au Rhin, ce qui représente seulement 10 km de voie navigable. La partie navigable de l’Ill est quasi exclusivement utilisée par la flotte de bateaux-mouche du Port autonome de Strasbourg utilisant aussi le Canal du Faux-Rempart afin de faire le tour de la Grande Île et circulant entre le Barrage Vauban et le Quartier européen avec un départ non loin du Palais Rohan. La rivière traverse entièrement notre faubourg.
Il reste sur l’Ill deux écluses, l’écluse du Doernel et l’écluse de la Robertsau. Celles-ci ne fonctionnent plus aujourd’hui..
Ainsi que des barrages, en fonction :
Un barrage à aiguilles, à peine visible, situé légèrement en aval du pont Zaepfel, au droit du Palais des Droits de l’Homme. Le barrage aux 650 aiguilles (environ) en chêne a été construit en 1842. Ces aiguilles mesurent environ 2.60 mètres et sont disposées contre des poutres en bois au fond de l’eau sur lesquelles sont fixées des fermettes. Il sert à régler le niveau des cours d’eau traversant Strasbourg au centimètre près, car le tirant d’eau étant faible, il faut assurer un niveau d’eau suffisant pour que les bateaux ne touchent pas le fond, mais pas trop haut pour pouvoir passer sous les ponts. Ces aiguilles sont manœuvrées à la main, ce qui représente un certain danger. Cette invention est due à un ingénieur français en 1834. (En savoir plus)
Et barrage au Doernel :
Le Mühlwasser
Bras de dérivation de l’Ill, il longe le cimetière Nord jusqu’à la papeterie et la rejoint vers la route des Chasseurs.
L’Aar
L’Aar traverse Strasbourg et Schiltigheim. Il s’agit d’un bras qui se sépare de l’Ill à hauteur du pont de l’Université pour la rejoindre au niveau de l’écluse n°51 de Schiltigheim. Ensemble l’Aar et l’Ill forment l’île Sainte-Hélène. Elle délimite le quartier Wacken, rattaché à la Robertsau (Voir notre article sur le Wacken)
Que d’eau… que d’eau… pour la franchir ou traverser, des ponts ont été mis en place, nous les passerons en revue lors d’un prochain article !
Revenez nous lire…